Archive de la catégorie ‘Actualité’

Le droit de vote en prison

Jeudi 11 septembre 2008

 

Depuis le référendum de mai 2005 (relatif à la ratification du traité établissant une constitution pour l’Europe), plusieurs élections ont eu lieu avec, à chaque fois, un nombre de personnes incarcérées inscrites sur les listes électorales relativement faible. Ce nombre a atteint son maximum, soit 2 697, pour les élections présidentielles de 2007. Parmi les 63 783 personnes détenues écrouées au 1er août 2008 (source : statistique mensuelle de la population écrouée et détenue, ministère de la Justice), beaucoup disposent de leurs droits civiques, ne serait-ce que les 17 495 en détention provisoire, dès lors qu’elles n’ont pas fait l’objet, lors d’une précédente condamnation, d’une privation de leurs droits civiques.

 

Avant 1994, la déchéance des droits civiques était automatique pour les crimes ou pour les condamnations à une peine d’emprisonnement supérieure à un mois prononcée avec sursis pour certains délits comme le vol, l’attentat aux mœurs ou l’escroquerie et pour les condamnations à plus de trois mois d’emprisonnement sans sursis ou plus de six mois avec sursis. Le nouveau code pénal fixe à 10 ans maximum la privation des droits civiques en cas de condamnation pour crime et à 5 ans maximum en cas de condamnation pour délit. Cette privation de droits civiques doit désormais être explicitement prononcée au moment du jugement. Il existe cependant deux exceptions : la suppression du droit de vote est automatique en cas de condamnation pour manquement au devoir de probité ou atteinte à l’administration publique (corruption, soustraction et détournement de biens…). En prison, il y a donc de plus en plus de personnes disposant de leurs droits civiques. Mais il y a un gouffre entre la détention théorique d’un droit et son expression.

 

En effet, l’expression de leur droit de vote par les personnes incarcérées est un parcours semé d’embûches. Il faut commencer par s’inscrire sur les listes électorales de son lieu de domicile, lequel peut être le domicile antérieur à l’incarcération, s’il a été conservé, ou la prison elle-même, au-delà de 6 mois d’incarcération. Avec l’avant-projet de loi pénitentiaire, tel que présenté au conseil des ministres le 28 juillet dernier, la domiciliation à la prison pourrait être possible, sans délai. Quoi qu’il en soit, l’inscription sur les listes nécessite des démarches qui ne sont pas simples. En effet, pas moins de 3 services, à l’intérieur de la prison, sont concernés : le service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP), précisément en charge de la question de l’inscription sur les listes électorales, le greffe, qui délivre le certificat de présence, la fouille où sont conservés les papiers d’identité de la personne. Une fois l’inscription faite, reste à trouver un mandataire, ce qui s’avère souvent complexe, en particulier lorsque le domicile est la prison. Certes, le décret du 16 novembre 2007, introduisant dans l’article D143 du code de procédure pénale la possibilité de demander une permission de sortir à la seule fin d’exercer son droit de vote, marque une avancée. Mais, toutes les personnes en détention provisoire sont exclues de cette possibilité et, pour les autres, combien ont effectivement effectué la démarche lors des municipales de mars 2008 ? Sur l’ensemble des démarches effectuées, combien ont abouti ?

 

Dans l’immédiat, en vue des élections européennes de juin 2009, Ban Public souhaite que toutes les informations nécessaires soient communiquées aux personnes incarcérées afin de leur permettre de s’inscrire si elles le souhaitent. De manière plus globale, Ban Public continue d’affirmer que l’ouverture de bureaux de vote en prison serait le signe d’une politique volontaire de développement de la démocratie auprès des personnes privées de leur liberté d’aller et venir… et seulement de cela !

 

 

L’avant projet de loi pénitentiaire aurait été une belle occasion de marquer cette volonté. Malheureusement, sur cette question, le texte rappelle seulement ce qui existe déjà, tout en insistant sur la facilité liée à la domiciliation sans délai à la prison, facilité toute relative cependant. Pour une loi qualifiée à maintes reprises de « grande », Ban Public pourrait espérer bien plus.

 

Communiqué de la rédaction de Ban public, septembre 2008.

 

Le suicide en prison

Mardi 2 septembre 2008

 

Chaque année, l’association internationale pour la prévention du suicide, en collaboration avec l’Organisation mondiale de la santé, organise, le 10 septembre, la journée mondiale de prévention du suicide. L’objectif de cette journée est de sensibiliser les communautés à la gravité du phénomène en tant que cause de décès prématurés et évitables. En France, près de 11 000 personnes se suicident chaque année (chiffre sous estimé d’environ 20 % en raison des modes de codification des décès, selon le centre d’épidémiologie sur les causes médicales du décès -CépiDc-). Cela représente globalement un taux de suicide de 2 pour 10 000. En prison, ce taux est environ 7 fois plus élevé.

 

Dominique Perben, garde des Sceaux, ministre de la Justice, et Jean-François Mattei, ministre de la Santé, avaient demandé au Professeur Jean-Louis Terra, psychiatre, de leur faire des recommandations en matière de prévention des suicides en milieu carcéral, dans le but de réduire de 20 % en 5 ans le nombre de suicides. Le rapport Terra a été remis le 10 décembre 2003. Un fléchissement a été observé à partir de 2006 (93 suicides en 2003, source Chiffres clés de l’administration pénitentiaire), avec une baisse d’environ 20 % par rapport à 2003 (120 suicides en 2003). Ce fléchissement s’est confirmé en 2007.

 

La dégradation des conditions de détention de ces derniers mois est-elle de nature à pérenniser cette évolution favorable ? La surpopulation en maison d’arrêt engendre naturellement une forte promiscuité, mais aussi une oisiveté importante. En outre, le personnel tant de surveillance que médical, n’augmente pas proportionnellement à la population détenue ; de fait, la prise en charge des personnes, en particulier des personnes les plus fragiles, ne peut se faire dans de bonnes conditions. On est plus souvent dans la gestion de situations d’urgence que dans une véritable prévention.

 

 

Pour les personnes en établissement pour peine, les difficultés croissantes pour obtenir une libération conditionnelle et la perspective d’un enfermement après la peine dans un centre socio-médico-judiciaire de sûreté (instauré par loi du 25 février 2008 relative à la rétention de sûreté et à la déclaration d’irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental) rendent les longues peines particulièrement difficiles à vivre.

 

L’objectif de 20 % de diminution du nombre de suicides en prison est-il suffisamment ambitieux ? Avec un tel objectif, le taux de suicide en prison restera encore bien supérieur à ce qu’il est dans la population générale. On peut arguer du fait que la population incarcérée est une population a priori fragilisée et qu’atteindre le même taux de suicide qu’à l’extérieur serait un leurre. Il y a peut-être une part de vrai dans une telle assertion, mais cela devrait au contraire inciter à déployer des efforts encore plus importants en matière de prévention. La question du coût de la mise en place de mesures ne peut en aucun cas être un argument pour renoncer. La valeur de la vie ne dépend pas de la situation pénale et du passé de la personne.

 

Communiqué de Ban Publique, août 2008.

 


L’exécution des décisions en matière pénale en Europe, du visible à l’invisible

Samedi 30 août 2008

Colloque international organisé à Lyon par la Direction de l’administration pénitentiaire, mardi 16 décembre 2008. 

Les temps et les hommes

9h -10h15 : propos liminaires
- Les exigences européennes et leur application, Rob Allen, King’s College, Grande-Bretagne.
- Les exigences de l’opinion publique en matière pénale, Denis Salas, magistrat.

10h30 – 12h30 : tables rondes

- L’émergence d’une professionnalisation de l’exécution des peines,  animée par Leo Tigges, Organisation européenne de la probation, Pays-Bas.
- Les décisions en matière pénale doivent-elles être négociées, imposées, acceptées ? animée par Jose-Luis de la Cuesta, Université San Sebastian, Espagne.

- Peut-on évaluer l’efficacité des mesures pénales en fonction de la durée de la sanction ?, animée par Sonia Snacken, Université de Bruxelles, présidente du Conseil de coopération pénologique, Belgique.

Les temps et les lieux

14h15 – 15h30 : propos liminaires

- Les lieux d’incarcération,  Philippe Combessie, Université Paris 10, Nanterre.
- Pour une approche technique et technologique, Jean-Charles Froment, Université Grenoble 2.

15 h 45-17 h 45 : tables rondes

- L’importance de la dignité en tout lieu, animée par Annie Beziz, Université Lyon 3.

- Les nouvelles technologies et le contrôle : vers une disparition de la prison ?, animée par Jean-Charles Froment, Université Grenoble 2, France.

- Efficacité et coût, la question de l’évaluation, animée par Jérôme Filippini, avocat général près la Cour des comptes.

18 h-18 h 30 : conclusions, synthèse des échanges

Allocution de Claude d’Harcourt, préfet, directeur de l’administration pénitentiaire.

* Contact :  colloquelyon@justice.fr

Source : ACP n° 98-99, septembre 2008.

Un pigeon « arrêté » pour avoir fourni de la drogue à des détenus en Bosnie

Vendredi 22 août 2008

SARAJEVO, 21 août 2008 (A.F.P.) – La police bosniaque a capturé un pigeon après avoir découvert que des détenus l’utilisaient pour introduire de la drogue à l’intérieur d’une des principales prisons de haute sécurité de Bosnie, a-t-on appris jeudi de source pénitentiaire.

 

« Les gardiens ont soupçonné l’animal d’être impliqué dans un trafic de drogue après avoir noté que quatre détenus s’étaient visiblement drogués peu après que le pigeon se fut posé à une fenêtre de la prison », a déclaré à l’A.F.P. un responsable pénitentiaire, Josip Pojavnik.

 

Après des analyses médicales, il s’est avéré que les quatre détenus avaient effectivement pris de l’héroïne, a ajouté ce responsable de la prison de Zenica, précisant que des mesures disciplinaires allaient être prises à leur encontre.

 

Selon lui, la drogue était transportée dans de petits sachets accrochés aux pattes de ce pigeon voyageur, officiellement accepté par l’administration pénitentiaire comme animal de compagnie d’un des détenus.

 

« Nous pensons que le pigeon transportait la drogue depuis Tuzla », une localité à environ 70 km au nord-est de Zenica, dans le centre de la Bosnie, a expliqué M. Pojavnik.

 

 

L’oiseau a été placé en garde à vue par la police, qui a lancé une enquête pour identifier ceux qui le « fournissaient » en drogue. « Nous ne savons pas quoi faire du pigeon », a avoué le responsable pénitentiaire, « mais pour l’instant il va rester derrière les barreaux ».

 

A la suite de cet incident, l’administration de l’établissement envisage de mettre fin à un projet d’élevage de pigeons mis en place dans le cadre du programme de réhabilitation des détenus, bien que l’oiseau incriminé n’en soit pas issu.

 

Un cas similaire a été découvert cette année dans une prison brésilienne, où des pigeons voyageurs étaient utilisés pour transporter de la drogue mais aussi des téléphones portables.

Sortir de prison en permission

Lundi 4 août 2008

L’article 723-3 du code de procédure pénale (CPP) stipule que « La permission de sortir autorise un condamné à s’absenter d’un établissement pénitentiaire pendant une période de temps déterminée qui s’impute sur la durée de la peine en cours d’exécution. Elle a pour objet de préparer la réinsertion professionnelle ou sociale du condamné, de maintenir ses liens familiaux ou de lui permettre d’accomplir une obligation exigeant sa présence. » Concrètement, en 2007, 53 511 permissions de sortir ont été accordées (Source : chiffres-clés de la Justice 2008). Ce chiffre peut paraître important, mais, outre qu’il est présenté comme une « valeur estimée », il masque surtout une réalité très contrastée.

 

Les permissions de sortir d’une journée peuvent être accordées aux personnes condamnées à des peines inférieures à 5 ans pour, par exemple, passer un examen, rencontrer un futur employeur dans la perspective d’une libération conditionnelle, se rendre à une consultation médicale, ou encore, depuis un décret du 16 novembre 2007, exercer son droit de vote. Les permissions, également d’une journée, placées sur les samedis, dimanches, jours fériés ou chômés, sont réservées aux personnes en semi-liberté, en placement extérieur ou sous surveillance électronique (fixe). Des permissions de sortir de 3 jours au maximum sont accordées pour le maintien des liens familiaux ou en vue de la réintégration, à condition d’avoir exécuté la moitié de la peine (le 1/3 pour les personnes incarcérées en CD, les 2/3 pour les personnes en situation de récidive) et qu’il reste moins de 3 ans, et sans condition de délai pour les peines de moins d’1 an. Pour les personnes incarcérées en CD, la durée de la permission peut être portée à 5 jours, voire 10 jours une fois par an. Ces différentes dispositions ne s’appliquent pas durant la période de sûreté, lorsqu’une telle peine a été prononcée. En outre, durant la permission, la personne peut être soumise à des obligations ou à des interdictions imposées par le juge de l’application des peines (JAP). Enfin, les permissions de sortir sont discrétionnaires et cela induit par nature des disparités selon le JAP, ou le tribunal de l’application des peines, qui prend la décision. Cet aspect discrétionnaire porte également sur la fréquence des permissions qui n’est pas fixée par la loi. Elle résulte d’un usage, mais celui-ci peut varier d’un établissement à un autre. Il est souvent constaté que les permissions de sortir ont rarement une fréquence supérieure à 1 par mois pour les personnes condamnées à de longues peines.

 

Il ressort de cette réglementation que, pour certaines personnes, il n’y a de possibilité de sortir en permission qu’à la toute fin de leur peine (et encore), alors que cette modalité permet de garder un contact avec l’extérieur, ce qui favorise la réintégration dans la communauté au moment de la sortie. La fin de la peine arrive parfois après de nombreuses années de prison et comment ne pas imaginer le décalage vécue par les personnes, après 10 ans, 20 ans, ou plus, passés derrière les murs ? Il n’est pas rare que des personnes ne puissent pas quitter l’établissement alors que leur présence auprès d’un parent malade serait nécessaire ou bien que la mort d’un parent proche justifierait amplement leur présence au sein de la famille. Certes, l’article 723-6 du CPP précise que « Tout condamné peut, dans les conditions de l’article 712-5 [c’est-à-dire décision prise, sauf exception, après avis de la commission de l’application des peines] obtenir, à titre exceptionnel, une autorisation de sortie sous escorte », mais cette disposition n’est pas toujours mise en application. Que penser de la façon dont est vécue l’interdiction de sortir, trop souvent formulée à l’occasion de la mort d’un proche ? En outre, les conditions de la sortie sous escorte (personnel éventuellement en uniforme, usage possible des menottes) ne sont pas toujours heureuses eu égard aux circonstances qui motivent la sortie, s’il s’agit de circonstances familiales.

 

Des permissions de sortir devraient pouvoir être accordées dès le début de la peine. Le fait qu’il existe des règles relatives à l’exécution du tiers ou de la moitié de la peine selon la nature de l’établissement d’incarcération est, d’une certaine manière, contraire au principe d’individualisation. Le fait de bénéficier de permissions de sortir ne devrait pas être une condition d’irrecevabilité pour une demande d’accès à une unité de vie familiale (lorsque l’établissement en est doté), ce qui est actuellement le cas. Les permissions de sortir sont une façon de retisser des liens avec le monde extérieur, liens que l’enfermement distend chaque jour un peu plus. Présenté ainsi, ce fonctionnement est presque paradoxal : on enferme et on laisse sortir avec une extrême parcimonie pour tenter de réparer quelques uns des effets délétères de la prison.

 

Communiqué de la rédaction de Ban Public en Août 2008.

Centre Pénitentiaire de Saint-Quentin-Fallavier: la famille d’un détenu tenue dans l’ignorance de sa tentative de suicide et de son hospitalisation dans un état critique

Lundi 4 août 2008

La section française de l’Observatoire international des prisons informe des faits suivants:
Les proches d’un détenu de 23 ans incarcéré au centre pénitentiaire de Saint-Quentin Fallavier (Isère) ont appris fortuitement en se rendant au parloir que celui-ci avait été hospitalisé trois jours plus tôt dans un état critique. La réglementation prévoit pourtant une information immédiate de la famille dans ces circonstances.
A la suite d’une tentative de suicide par ingestion médicamenteuse, dans la nuit du 14 au 15 juin, F.M. est transporté dans le coma au service médical intensif du centre hospitalier Lyon-Sud. Souffrant d’une embolie pulmonaire provoquée par l’acte auto-agressif, celui-ci sera ensuite hospitalisé 10 jours au sein de l’unité hospitalière sécurisée interrégionale (UHSI) de Lyon. Ce n’est qu’en se rendant à l’établissement le 17 juin, afin de réserver un parloir, que la grand-mère de F.M. a été informée de l’hospitalisation de son petit-fils par un membre du personnel. Celle-ci ne parvenant pas à obtenir d’informations sur les raisons, la date et le lieu d’hospitalisation, les parents de F.M. ont tenté, en vain, de joindre le centre pénitentiaire et le service social, avant d’appeler par déduction le centre hospitalier Lyon-Sud, et d’obtenir, après plusieurs coups de téléphone, confirmation de la présence de leur fils au sein de l’hôpital.
Interrogée par l’OIP le 25 juillet 2008 sur les raisons de ce dysfonctionnement, la direction de l’établissement justifie l’absence d’information de la famille par le fait qu’en cas de tentative de suicide celle-ci « dépend de la gravité de l’acte », et qu’en l’occurrence, elle n’a pas souvenir «  de tentative de suicide très inquiétante au cours des derniers mois ». Elle a, en outre, indiqué que « l’alerte ne relève pas de la responsabilité du chef d’établissement mais incombe au juge d’instruction lorsque la personne ayant tenté de mettre fin à ses jours n’est pas condamnée ». En l’espèce, le magistrat instructeur, et l’avocate du jeune homme n’ont été avertis par la direction de l’établissement de la situation de F.M que le 17 juin, par télécopie, après que la famille a été informée par le service des parloirs. Le magistrat a signalé à la direction interrégionale des services pénitentiaires (DISP) de Lyon la tardiveté avec laquelle il a été informé de la situation de F.M. Selon ce dernier, la DISP « a reconnu le dysfonctionnement et s’en est excusée ».

L’OIP rappelle :

  • l’article D 427 du Code de procédure pénale disposant qu’ « Au cas où un détenu vient à décéder, à être frappé d’une maladie mettant ses jours en danger, ou victime d’un accident grave, ou à être placé dans un établissement psychiatrique, sa proche famille doit en être immédiatement informée ».

  • la circulaire de l’administration pénitentiaire du 12 mai 1981 relative à l’amélioration des relations entre l’administration et les proches d’un détenu malade ou décédé précisant qu ‘ « il conviendra de choisir à chaque fois le mode de communication propre à assurer la diffusion la plus rapide de la nouvelle, en fonction de son urgence et de sa gravité, quitte à distinguer une information immédiate, même concise, et une information complémentaire ultérieure plus développée » et que l’information « doit toujours relever de la responsabilité directe du chef d’établissement (y compris quand le détenu est hospitalisé en milieu extérieur), qui doit se faire tenir informé sur le champ de tout événement grave et prendre lui-même les mesures qui s’imposent, en veillant avec soin à leur correcte exécution. »

  • la règle pénitentiaire européenne n°24-9: « En cas de transfèrement dans un hôpital, les autorités doivent informer immédiatement son conjoint ou son compagnon ou bien, si l’intéressé est célibataire, le parent le plus proche et toute autre personne préalablement désignée par le détenu ».


Pour confirmation : Céline Reimeringer (06 50 73 29 04)

Communiqué de l’OIP le 04 août 2008.

A Lyon, Dati passe de la «Marmite du diable» à la prison du XXIe siècle

Vendredi 1 août 2008

Pour décliner son projet de loi, présenté le matin en Conseil des ministres, Rachida Dati visitait Lyon, hier. Avec deux visites au programme. D’abord les maisons d’arrêt des hommes, dans le centre-ville. Une plongée dans ce qui fut baptisé la «Marmite du diable». Une prison vétuste et surpeuplée. Froide et humide l’hiver, d’une chaleur suffocante l’été, et pleine de rats en toutes saisons. Une «école de la récidive», glisse le préfet du Rhône, ex-collègue de la ministre au cabinet de Sarkozy à l’Intérieur. Ensuite, le chantier de la future maison d’arrêt de Corbas, en banlieue lyonnaise. Mal desservie par les transports en commun, elle doit accueillir 540 hommes et 60 femmes, à la fin de l’année. Double balade, pour passer de «la prison d’hier» à celle «du XXIe siècle», plus «douce» selon la ministre…

Hygiaphones. Pour l’instant, cela s’annonce comme un vaste monstre froid. «Tout est fait en béton et en acier, que des matériaux durs», vante le concessionnaire, qui mène la visite. La ministre préfère mettre l’accent sur «la dignité respectée» des détenus. Le vert amande des portes souligne le blanc des couloirs. Les cellules sont un peu plus vastes, avec des cabines comprenant douche, WC et lavabo, derrière une porte façon saloon. Pour prévenir le suicide, le pommeau de douche ne résiste pas au poids d’un humain. Les parloirs sont nombreux et plus grands pour les familles. Certains sont munis d’hygiaphones, pour les détenus en quartier disciplinaire, privés de parloirs auparavant.

 

La plupart des cellules comportent deux lits, mais la ministre élude les questions liées à l’encellulement individuel, qu’un moratoire repousse (de nouveau) de cinq ans. Elle avise en revanche le local où seront gérés à distance les bracelets électroniques, et saisit l’occasion pour marteler la nécessité d’«imaginer d’autres modes de privation de liberté». D’encourager alternatives à l’incarcération et libérations conditionnelles, qui auraient «doublé en un an». Avec de telles priorités, pourquoi construire 13 200 places de prison ? «Mon principe est simple, répond Rachida Dati. D’abord la sécurité des Français : les personnes qui sont en prison n’y sont pas par hasard. Mais l’aménagement de leurs peines doit permettre de lutter contre la récidive.»

 

«Baisse». Selon elle, si les prisons débordent, c’est de toute façon la faute à la gauche. «Entre 1997 et 2002, martèle-t-elle, le nombre de places a baissé de 4 % en prison, alors que la délinquance explosait. Aujourd’hui, la délinquance baisse et l’on construit des prisons.» Pour conclure, elle assène devant quelques magistrats : «Il n’y a pas eu de politique pénale pendant des années.» Aujourd’hui, grâce à Rachida Dati, il y aurait «une politique pénale unique, et appliquée».  Amabilité qui réjouira Dominique Perben et Pascal Clément, les deux derniers ministres (UMP) de la Justice.

 

Article d’Olivier Bertrand paru sur LibéLyon.fr le 29 juillet 2008.

Le parcours ordinaire et dramatique de Manuel Lopez, mort à la Santé

Jeudi 31 juillet 2008

Le 4 juillet 2005, Manuel Lopez s’était juré de ne plus revenir en prison. Ce jour-là, il bénéficiait d’une journée de permission pour entrer en contact avec un centre de formation, où il pourrait aller quelques mois plus tard, dans le cadre d’un aménagement de peine. Il n’avait plus que quelques mois à passer au centre pénitentiaire d’Avignon (Vaucluse). Il vivait ses dernières semaines d’« enfer ».

Mais tout s’est mal passé ce jour-là. Il est violemment frappé par un de ses codétenus, avant de sortir. Une photo prise peu après montre son visage tuméfié. Quand il se rend à ce rendez-vous, qu’il a fallu plusieurs semaines à mettre en place, son interlocuteur a eu un empêchement de dernière minute. Il faut tout recommencer, les papiers, les procédures. La peur, surtout, revient.

Ce jour-là, il décide donc de ne pas réintégrer sa cellule. Son avocate prévient le directeur de l’intention d’évasion de son client : « Depuis que l’homosexualité de M. Lopez a été révélée, ce dernier vit, selon ses propres termes, un enfer : il fait l’objet d’insultes quotidiennes émanant de détenus, auxquelles les surveillants témoins ne répondent que par une inertie convenue (…). Il ne supporte plus, alors même qu’il est éligible à un aménagement de peine à la rentrée, d’être ainsi malmené, dans un lieu où il n’est pas en sécurité. » Elle rappelle qu’il a fait une tentative de suicide en avril. Il va rester trois ans en cavale.

« APPEL AU SECOURS »

Lorsque Manuel Lopez arrive, le 6 mars 2008, à la prison de la Santé à Paris, en fin de matinée, il n’y reste pas longtemps. Des surveillants le découvrent vers 19 heures pendu avec un drap accroché aux barreaux de sa cellule. Il avait 27 ans. Et venait d’être interpellé, le 4 mars vers 17 heures, pour « violences volontaires aggravées » au cours d’une dispute avec son ami. La police découvre alors qu’il était recherché et en état d’évasion. Il est placé en garde à vue au commissariat du 18e arrondissement, avant d’être hospitalisé à l’Hôtel-Dieu.

Son dossier médical indique qu’il a pris quinze cachets de Lexomil avant la garde à vue. Il fait état de sa tentative de suicide en prison, geste interprété comme un « appel au secours ». Le lendemain, un autre docteur note qu’il « a redécoré sa chambre avec le plateau du petit déjeuner ». Le médecin précise : « A mon arrivée, boude comme un enfant, ne souhaite pas échanger de paroles. » Quand son père, Jean-Pierre Lopez, lit ces phrases, il comprend que son fils a décidé d’en finir. Il avait appelé plusieurs fois le commissariat du 18e pendant la garde à vue, pour alerter les policiers sur la fragilité et les tendances suicidaires de son fils. Son petit ami indique, en procès verbal, qu’il ne veut pas déposer plainte, en prévenant : « Il a déjà fait une tentative de suicide en prison il y a quelques années. » Aucun de ces signaux d’alerte n’a été transmis à l’administration pénitentiaire.

Manuel Lopez avait été condamné à trois ans de prison pour trafic d’ecstasy. « Il a fait des erreurs. Il a été jugé. Il aurait purgé sa peine si elle s’était déroulée dans des conditions humaines, explique son père. On ne rentre pas dans un endroit où l’on sait que l’on va être frappé. » Il vient de porter plainte contre X… pour non-assistance à personne en danger, après la décision du parquet de Paris de classer sans suite l’affaire. Manuel Lopez n’a pas été l’objet d’une surveillance particulière à son arrivée à la prison de la Santé. Les nouveaux arrivants sont reçus par une équipe médicale et la direction, à leur arrivée ou dans les vingt-quatre heures, dans le cadre des dispositifs de lutte contre le suicide, qui en ont fait baisser le nombre.

Manuel Lopez n’a pas eu le temps d’avoir ces rendez-vous. « Quelqu’un qui sort de l’Hôtel-Dieu après avoir absorbé quinze cachets doit bénéficier d’une surveillance spéciale en arrivant en détention », explique l’avocate du père, Marie Dosé. Sa fiche d’écrou mentionne seulement qu’il a été hospitalisé pendant sa garde à vue. Il est resté calme dans sa cellule. Vers 18 heures, il a demandé qu’on lui change sa télévision et qu’on lui donne une cigarette.

Manuel Lopez n’en avait pas tout à fait fini avec la justice. La procédure pour violence contre son conjoint a continué à prospérer dans le train-train de la justice ordinaire. Le 8 avril, un mois après sa mort, il a été condamné à un mois de prison avec sursis.

Article d’Alain Salles paru sur LeMonde.fr le 29 juillet 2008.

Le projet de loi pénitentiaire enterre le principe d’un détenu par cellule

Jeudi 31 juillet 2008

Le projet de loi pénitentiaire présenté lundi 28 juillet met fin à l’obligation de l’encellulement individuel des prévenus. Prévu dans la loi française depuis 1875, ce principe n’a jamais été appliqué.

L’article 716 du code de procédure pénale prévoit que « les personnes mises en examen, prévenus et accusés soumis à la détention provisoire, sont placées soit en cellule individuelle soit en cellule collective. Celles d’entre elles qui en font la demande sont placées en cellule individuelle ». Pour respecter le droit à l’intimité et éviter les agressions entre détenus, la loi prévoit qu’elles « sont placées au régime de l’encellulement individuel de jour et de nuit ».

En 2000, les députés avaient voté à l’unanimité la suppression, dans un délai de trois ans, des différentes dérogations à l’encellulement individuel. Mais un nouveau moratoire de cinq ans a été voté en 2003, jusqu’au 13 juin 2008.

« Le gouvernement transforme ce qui était un droit important en une faveur, s’insurge le délégué général de l’Observatoire international des prisons (OIP), Patrick Marest. Il utilise le concept d’un homme, une place – avec lequel nous sommes en désaccord – pour enterrer l’encellulement individuel. C’est un jour noir pour les droits des détenus. »

INTÉRÊT DES DÉTENUS

La ministre de la justice, Rachida Dati, défend une approche « pragmatique ». L’exposé des motifs du projet de loi est net : « Le principe de l’encellulement individuel ne pourra pas être respecté en 2012. En effet, les nouveaux établissements pénitentiaires comportent de manière systématique des cellules collectives. Il en va de même pour les établissements plus anciens. »

Ainsi, dans la prison en construction de Lyon-Corbas, que Mme Dati a visitée lundi 28 juillet, 256 détenus seront en cellules doubles et 252 en cellules individuelles. Pendant que les députés continuaient en 2003 à défendre l’encellulement individuel tout en prolongeant le moratoire pour l’appliquer, le plan de construction de 13 200 places de prison prévoyait une majorité de cellules collectives.

L’exposé des motifs va encore plus loin : « Le gouvernement est aujourd’hui convaincu que l’encellulement individuel pour tous ne doit plus être considéré comme l’objectif à atteindre absolument. En effet, il n’est en rien démontré que ce mode d’hébergement soit conforme à la demande réelle même des détenus et à leur intérêt. A l’inverse, il est constaté que beaucoup de détenus ne souhaitent pas être seuls en cellule, notamment dans les maisons d’arrêt, où les périodes d’incarcération sont relativement courtes. » Le projet de loi prévoit que les condamnés à deux ans de prison (au lieu d’un an aujourd’hui) resteront en maison d’arrêt.

Les règles pénitentiaires européennes indiquent, elles, que « chaque détenu doit en principe être logé pendant la nuit dans une cellule individuelle ». Le gouvernement s’engage à respecter la règle indiquant qu’une cellule est « partagée, uniquement si elle est adaptée à un usage collectif » et si les détenus sont « aptes à cohabiter ». Mais nul ne sait combien de cellules sont adaptées à un usage collectif. Et le nombre de cellules individuelles n’est plus communiqué par l’administration pénitentiaire.

En 2002, il y avait 34 000 cellules individuelles (dont la dimension, 9 m2, ne devrait pas permettre d’y mettre plus d’un détenu) pour un nombre total de cellules de 40 000 et un nombre de places disponibles de 49 000. Aujourd’hui, le nombre de places est de 50 800. Il doit être de 63 000 en 2012.

Trois jours avant l’échéance du 13 juin, le ministère de la justice a pris un décret pour répondre aux demandes des prévenus, « dans la maison d’arrêt la plus proche ». Mais le taux d’occupation des maisons d’arrêt était de 145 % au 1er avril. Depuis, la population carcérale a atteint le niveau record de 64 250 détenus. Un nombre limité de maisons d’arrêt ont encore de la place. C’est le cas de Mont-de-Marsan, Pau, Laon, Aurillac, Ajaccio, Digne, Epinal, Cahors ou Rodez.

Le ministère de la justice constate qu’il y a très peu de demandes : moins de 40, sur 17 495 prévenus. Lors de la consultation organisée en 2006 par l’OIP auprès de 15 000 détenus, 84 % des prévenus déclaraient qu’une cellule individuelle était l’une de leurs attentes et 52 % des détenus estimaient qu’il s’agissait d’une des premières mesures à prendre pour améliorer leurs conditions. L’OIP devait déposer, mercredi 30 juillet, un recours devant le Conseil d’Etat contre ce décret.

Article d’Alain Salles paru sur LeMonde.fr le 31 juillet 2008.

Un projet de loi pour désengorger les prisons

Lundi 28 juillet 2008

C’est dans un climat tendu que la garde des sceaux, Rachida Dati, présente lundi 28 juillet, en conseil des ministres, son projet de loi pénitentiaire. La surpopulation carcérale a en effet atteint un niveau record au 1er juillet, avec 64 250 personnes pour 50 806 places dans les quelque 200 prisons françaises, soit un taux d’occupation supérieur à 126 %.

Engagement de campagne de Nicolas Sarkozy, ce texte, annoncé comme « fondateur » par la ministre de la justice, vise à mettre la France en conformité avec la réglementation européenne sur les droits des détenus. Surtout, afin de désengorger les prisons, il prévoit de développer les peines alternatives à l’incarcération, notamment pour les personnes en attente de jugement et les condamnés à de courtes peines. Le projet de loi prévoit de généraliser le bracelet électronique, qui existe depuis 1997. Son usage sera « ordonné » par le juge quand les peines sont inférieures ou égales à six mois de prison. Les aménagements de peine (semi-liberté, travaux d’intérêt général, etc.) seront étendus aux condamnés à deux ans de prison, au lieu d’un an actuellement.

« BELLE LOI »

Consulté pour avis, le Conseil d’Etat a demandé à ce que plusieurs articles du projet de loi soient scindés afin que les dispositions qu’ils contiennent soient davantage détaillées, mais n’a pas modifié ses principales dispositions. Le vice-président du Conseil d’Etat, Jean-Marc Sauvé, a même salué une « belle loi ». Reste que certaines modalités relatives aux aménagements de peine, aux droits des détenus ainsi qu’à leurs garanties disciplinaires ont été retirées du texte, les magistrats du Conseil d’Etat ont en effet estimé qu’elles relevaient de la voie réglementaire plutôt que de la loi.

Le projet laisse les syndicats dubitatifs. S’ils soutiennent le développement des alternatives à l’incarcération pour désemplir les prisons, ils restent perplexes sur leur mise en œuvre et reprochent au projet son manque d’ambition. Pour Jean-François Forget, de l’UFAP (Union fédérale autonome pénitentiaire), il se résume à « un toilettage » de mesures déjà existantes et n’est pas à la hauteur de la situation d’urgence dans les prisons. Christophe Marquès, numéro un de FO-Pénitentiaire, dit craindre « pour la sécurité des personnels et des détenus ». « Il n’y a pas aujourd’hui les moyens, en personnel notamment, de rendre ces mesures effectives rapidement », ajoute Céline Verzeletti, de la CGT-Pénitentiaire.

Le texte devrait commencer son parcours parlementaire en octobre au Sénat.

LES PRINCIPAUX POINTS DU TEXTE

Alternatives à la détention : le projet de loi crée l’assignation à résidence sous surveillance électronique pour diminuer le nombre de détentions provisoires. Les condamnés à des peines de prison de deux ans et moins pourront être l’objet d’un aménagement de peine s’ils présentent des garanties de réinsertion.

Droits des détenus : ils pourront élire domicile à la prison. L’accès au téléphone est généralisé. Ceux qui travaillent signeront un « acte d’engagement professionnel » avec la direction de la prison.

Régime de détention : le texte généralise un parcours d’exécution des peines, afin d’individualiser le régime de détention, en fonction de la personnalité, des efforts de réinsertion, mais aussi de la dangerosité. Le régime disciplinaire est légèrement assoupli. Un nouveau moratoire de cinq ans est adopté pour l’encellulement individuel, auquel le projet préfère le principe « un détenu, une place ».

Un serment pour le personnel :
les personnels pénitentiaires prêteront serment, avant de prendre leurs fonctions. Ils devront se plier à un code de déontologie qui prévoit le respect des droits fondamentaux des détenus.

Article paru sur LeMonde.fr le 28 juillet 2008.

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