Archive de la catégorie ‘Justice des mineurs’

« Explosion de la délinquance des mineurs » : mythe ou réalité ?

Vendredi 23 janvier 2009

L’émission Du grain à moudre de Julie Clarini et Brice Couturier sur France culture proposait le 8 janvier 2008 une émission sur l’évolution de la délinquance et de la justice des mineurs, « Explosion de la délinquance des mineurs » : mythe ou réalité ?

Les invités :

Laurent Mucchielli.  Sociologue. Directeur du Centre de recherches sociologiques sur le Droit et les Institutions Pénales.

André Varinard.  Professeur de droit public à Lyon III. Président de la Commission qui porte son nom et qui a rendu le 3 décembre dernier un rapport sur la refonte de la justice des mineurs et de l’ordonnance du 2 février 1945.

Alain Bauer.  Criminologue. Président du Conseil d’Orientation de l’Observatoire National de la délinquance.

Prison : de « graves lacunes » ont conduit à un suicide à Meyzieu

Mardi 2 décembre 2008

La Commission nationale de déontologie et de sécurité (CNDS) a dénoncé, mardi 25 novembre, de « graves lacunes » dans la gestion de l’établissement pour mineurs (EPM) de Meyzieu (Rhône) qui ont conduit au suicide du jeune Julien, 16 ans, le 2 février 2008 – celui-ci avait été déclaré décédé le 4 février.

L’avis de la CNDS retrace les alertes qui n’ont pas été suffisamment prises en compte depuis l’arrivée de Julien à Meyzieu, le 17 décembre 2007. « Le 4 janvier 2008, alors qu’il a déjà fait trois tentatives de suicides depuis son arrivée il est placé à l’unité 5, dite de confiance, où il n’y avait pas d’éducateur », constate la CNDS. Dès après son arrivée, il a alterné séjours à l’hôpital et à l’EPM. Il a même été réintégré à deux heures du matin, après une double tentative de suicide. A partir du 26 janvier, après avoir incendié sa cellule, il est « consigné dans sa cellule sans aucune activité. La télévision retirée, la fenêtre bloquée, la lampe de sa cellule neutralisée ».  

La CNDS se dit « indignée » d’une note du directeur de l’établissement adressée à Julien : « Vous êtes fortement incité à travailler autour de la question du suicide. » Pour la CNDS, il s’agit d’« une faute que le bon sens et un peu d’humanité auraient dû permettre d’éviter ». Les nombreuses alertes sur la situation de Julien n’ont jamais donné lieu à des réunions, ce qui constitue une autre « faute », du directeur et de la directrice des services éducatifs.

La mort de Julien, par pendaison, était le premier suicide de mineurs depuis 2004. Depuis, deux mineurs se sont suicidés à la prison de Metz en septembre. La CNDS recommande la création d’une cellule d’information et de coordination qui puisse réunir tous les intervenants rapidement, en cas d’actes autoagressifs de mineurs.

L’EPM de Meyzieu a été inauguré en juin 2007. La CNDS relève des lacunes dans l’établissement : défaut d’installation électrique, absence de téléphone, nombre insuffisant d’éducateurs, etc. La CNDS dénonce « de nombreux dysfonctionnements d’ordre général entre les intervenants et des problèmes de conception dans la construction de l’établissement ».

Article d’Alain Salles paru sur LeMonde.fr le 25 novembre 2008.

 

La prison à 12 ans pour les jeunes délinquants

Mardi 2 décembre 2008

Les jeunes délinquants pourraient aller en prison dès l’âge de 12 ans en France, selon le rapport d’une commission parlementaire chargée de réfléchir à la justice des mineurs rapporte le quotidien La Croix, vendredi 28 novembre. La ministre de la justice, Rachida Dati, avait demandé le 15 avril à cette commission de 32 membres (magistrats, policiers, avocats, parlementaires, éducateurs) de réfléchir à une réforme de l’ordonnance du 2 février 1945 « relative à l’enfance délinquante ». La dernière réforme, dans le cadre de la loi d’août 2007 sur la récidive, permettait de juger comme des adultes certains mineurs de 16 à 18 ans.

Selon La Croix, les membres de la commission, présidée par André Varinard, professeur d’université, se sont mis d’accord pour fixer à 12 ans l’âge à partir duquel un enfant peut être pénalement responsable de ses actes. Actuellement, cet âge est laissé à l’appréciation du juge, avec un critère subjectif, celui du discernement. Selon le quotidien, certains membres de la commission, notamment des policiers, auraient préféré l’âge de 10 ans. La proposition à 12 ans risque de provoquer de vives réactions, la plupart des autres pays d’Europe ayant fixé l’âge de la responsabilité pénale au-delà de 14 ans. La défenseure des enfants recommandait de ne pas descendre au-dessous de 13 ans, souligne La Croix.

La commission devrait proposer aussi la création d’un code pénal spécifique pour les mineurs, comme l’a souhaité le 21 novembre, à Avignon, Rachida Dati, qui prévoit un examen au Parlement en juin 2009 du projet de réforme. Selon une source proche du dossier confirmant des informations du Nouvel Observateur paru jeudi, la commission préconise également la création d’un tribunal des mineurs à juge unique à la place du tribunal pour enfants collégial actuel. Une peine d’emprisonnement de fin de semaine est en outre proposée afin de permettre la poursuite de la scolarisation des mineurs délinquants, dont le parcours jusqu’à la majorité serait consigné dans un dossier unique de personnalité.

Le principal syndicat d’éducateurs judiciaires, le SNPES-PJJ, a annoncé jeudi qu’il déposerait un préavis de grève la semaine prochaine, sans doute le 3 décembre, lorsque seront rendues les conclusions de la commission chargée de réformer l’ordonnance de 1945.

Article publié sur LeMonde.fr le 28 novembre 2008.

« Jeunes en prison, début ou fin des problèmes? »

Mardi 25 novembre 2008

Dans le cadre des JNP (Journées Nationales Prison), le GENEPI participe à l’organisation d’une table ronde, samedi 29 novembre, à 14 heures, au Temple du Change, Lyon 5ème.

 

Cet événement s’inscrit dans le cadre d’une campagne nationale, organisée par le GNCP (Groupe National de Concertation Prison), collectif d’associations auquel participe notamment l’ANVP (Association nationale des visiteurs de prisons), le Secours catholique, la FARAPEJ (Fédération des associations réflexion et action prison et justice), les Aumôneries des prisons catholique et protestante, l’Uframap (Union des fédérations régionales des associations de maisons d’accueil de familles et de roches des personnes incarcérées), Auxilia, la Croix-Rouge, le Relais Enfant-Parent… Le thème de cette campagne s’intitule cette année : « Jeunes en prison, début ou fin des problèmes ?« 

 

La table ronde proposée à Lyon cette année devrait accueillir :

  • M. Lamothe, psychiatre au SMPR
  • M. Petitclerc, du cabinet de Mme Boutin
  • M. Julian, directeur de l’EPM de Meyzieu (Etablissement pénitentiaire pour mineurs)
  • Mme Mazard, de la PJJ (protection judiciaire de la jeunesse)
  • M. Berloin, aumônier protestant à l’EPM.

La présentation des intervenants sera suivie d’un débat avec le public.

Journées nationales prison

Mercredi 19 novembre 2008

Le Groupe local de concertation prison (GLCP) organise chaque année dans toute la France les Journées Nationales Prison (JNP). Cette année, elles se dérouleront notamment à Lyon, du 24 au 29 novembre 2008.  Une conférence-débat aura lieu le 29 novembre à 14h au Temple du Change (2 rue Soufflot, Lyon 5°). Elle aura pour thème : « Jeunes en prison : fin ou début des problèmes ? », et réunira pour l’occasion des personnalités issues du monde carcéral et judiciaire.

Depuis 2007, des établissements pénitentiaires spécialisés pour mineurs (EPM) ont ouvert. Sommes-nous aujourd’hui en mesure de réaliser un premier bilan ? Certains considèrent que les mineurs n’ont pas leur place en prison, d’autres au contraire estiment que la prison peut constituer un choc salutaire pour ces jeunes et rompre avec leur parcours de délinquant.

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Les services de renseignement pourront ficher les mineurs de plus de 13 ans

Mercredi 2 juillet 2008

Avec la création de la direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), fusion de la DST (direction de la surveillance du territoire) et des renseignements généraux (RG), mardi 1er juillet, est également apparu un nouveau fichier policier, créé spécialement pour l’occasion. Baptisé Edvige – pour exploitation documentaire et valorisation de l’information générale –, il contiendra toutes les informations récoltées dans le cadre du renseignement dit en « milieu ouvert » et, fait nouveau, il autorisera le fichage des mineurs dès l’âge de 13 ans s’ils sont considérés comme étant « susceptibles de porter atteinte à l’ordre public ».

Les données des RG ne concernaient jusqu’à alors que les personnes majeures, les mineurs ne pouvant être répertoriés que dans des bases de données recensant des infractions (le fichier STIC de la police), des auteurs d’infractions (le fichier Fijais en matière sexuelle) ou des empreintes.

« MUTATIONS DE LA DÉLINQUANCE JUVÉNILE »

 

Le décret officialisant la création d’Edvige précise que les « données à caractère personnel » concernant « des personnes physiques âgées de 13 ans et plus » seront collectées sur des « individus, groupes, organisations et personnes morales (…) susceptibles de porter atteinte à l’ordre public », ainsi que sur des personnes « ayant sollicité, exercé ou exerçant un mandat politique, syndical ou économique », ou jouant un « rôle institutionnel, économique, social ou religieux significatif ». Les données peuvent concerner l’état civil, l’adresse, les numéros de téléphone et adresses électroniques, voire les « signes physiques particuliers et objectifs » et « le comportement ». Elles pourront être conservées pour une durée maximale de cinq ans dans le cadre d’une enquête administrative.

 

Le fait de permettre le fichage de mineurs a valu au gouvernement un avis de réserve de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), qui demande notamment « l’adoption de garanties renforcées » et un encadrement afin que cette pratique conserve « un caractère exceptionnel et une durée de conservation spécifique ». Selon la Commission, le ministère de l’intérieur a justifié la création de ce fichier pour faire face « aux mutations affectant la délinquance juvénile ».

 

Selon le décret, les données contenues dans le fichier Edvige, placées sous contrôle de la direction centrale de la sécurité publique (DCSP), ainsi que la toute nouvelle sous-direction de l’information générale (SDIG), ne pourront faire l’objet « d’aucune interconnexion, aucun rapprochement ni aucune forme de mise en relation avec d’autres traitements ou fichiers », et notamment avec la future banque de données qui apparaîtra après le rapprochement entre police et gendarmerie, en janvier 2009.

 

Article paru sur LeMonde.fr le 1er juillet 2008.

Faire passer les prisons pour des écoles

Vendredi 27 juin 2008

Parmi les sept établissements pénitentiaires pour mineurs (EPM), prévus par la loi Perben I de septembre 2002, cinq ont été ouverts à grand renfort d’une communication gouvernementale démagogique. Ainsi, le précédent garde des Sceaux se plaisait à proclamer que l’objectif des EPM serait «de faire tourner la détention autour de la salle de classe». Non ! L’objectif des EPM est bien d’augmenter l’incarcération et invoquer la salle de classe est une façon de minimiser le poids des murs, du système disciplinaire, de l’isolement et le but punitif de la prison.

 

 

Plus récemment, malgré le suicide d’un adolescent à l’EPM de Meyzieu le 2 février, Rachida Dati l’actuelle garde des Sceaux en rajoutait dans la banalisation. Elle affirmait «il faut pérenniser ce type de structures, elles ont fait leurs preuves». La ministre, obnubilée par la promotion de ces nouvelles prisons, en tire avant l’heure un bilan positif. Le suicide d’un adolescent n’est qu’un accident regrettable lorsqu’il s’agit de mettre en œuvre une politique de répression toujours plus forte à l’égard des mineurs délinquants. Dans le droit fil des propos du président de la République qui déclarait, pendant la campagne électorale, qu’un adolescent très grand et violent ne pouvait être considéré comme un mineur, sa ministre de la Justice annonce pour 2008 une refondation de l’ordonnance de 1945. Au prétexte d’un changement de nature de la délinquance des mineurs, elle propose d’appliquer aux plus âgés le droit pénal des majeurs, et d’infliger des peines à des enfants de plus en plus jeunes. Trahissant l’esprit de l’ordonnance de 1945, le gouvernement fait le choix de répondre aux actes délictueux par la seule logique de l’enfermement, écartant la nécessaire recherche des causes de ces passages à l’acte qui seule pourrait en éviter la réitération.

 

La création de nouvelles prisons encourage l’incarcération, allant jusqu’à lui conférer des vertus de réinsertion. Depuis l’ouverture du premier EPM début 2007, de nombreux incidents violents se sont multipliés dans ces établissements entraînant des opérations de maintien de l’ordre, des mesures d’isolement pour les jeunes et des consignes de silence en direction des personnels. Ce climat de violence est accentué par la prégnance des activités intensives et obligatoires. Les mouvements de rébellion qui éclatent dans les EPM, focalisent les personnels sur les moyens disciplinaires pour soumettre les mineurs. Alors, la souffrance des adolescents, renforcée par l’enfermement, ne peut être entendue.

 

Les adolescents qui commettent des délits ont vécu des difficultés profondes et anciennes, des situations de violence et de prise de risque. L’incarcération, qui est une rupture supplémentaire, renforce les risques de passages à l’acte violent contre les autres ou contre eux-mêmes. Ceux qui parlent d’éducation par la prison font semblant d’oublier qu’elle renforce toujours l’exclusion et favorise la récidive. Pour des jeunes en situation d’exclusion sociale, le risque existe pour beaucoup d’entre eux de se construire une identité de délinquant et de se réfugier dans un statut de «taulard». Fernand Déligny disait : «Etre un vaurien vaut mieux que n’être rien.»

 

L’ordonnance de 1945, posait le principe du caractère exceptionnel de l’incarcération. C’est à partir du constat des effets pathogènes des lieux d’enfermement que les centres d’observation pour mineurs dans les prisons ont été fermés dans les années 70. Déjà, à l’époque de la création de ces centres, ils avaient été présentés comme innovants en raison de la présence d’éducateurs de la PJJ. Que ce soit au nom d’une observation des mineurs comme hier, d’une amélioration des conditions de détention comme aujourd’hui les «prisons modernes» ont toujours conduit à une augmentation de l’incarcération. Les quatre premiers EPM sont aujourd’hui complets, dans certaines régions les quartiers mineurs des prisons restants sont saturés.

 

Ainsi, le gouvernement privilégie l’incarcération des adolescents en créant les EPM au détriment des structures éducatives. Un seul de ces EPM de soixante places équivaudrait à six foyers éducatifs de dix places et huit services d’insertion professionnels pour 250 mineurs ainsi que dix services de milieu ouvert soit 1 500 jeunes suivis. Ce sont là des modalités de prise en charge éducative qui ont fait la preuve de leur efficacité. C’est aussi ce que préconise la Convention internationale des droits de l’enfant qui impose la recherche de solutions éducatives pour les jeunes délinquants. Il existe en France un à deux millions d’enfants pauvres, la précarité et l’exclusion s’aggravent. Ce sont là des facteurs qui détruisent le lien social, accentuent l’isolement et le repli des familles, multipliant ainsi les risques de passage à l’acte au moment si tourmenté de l’adolescence. Au lieu de renforcer l’accompagnement éducatif et social qui peut limiter les répercussions négatives de la précarité sur la construction psychique des adolescents, le choix est fait d’ajouter l’exclusion de l’incarcération à l’exclusion sociale.

 

Nous soutenons que les moyens pour l’accompagnement éducatif doivent primer sur les dispositifs d’enfermement. Nous dénonçons une politique qui réduit les jeunes délinquants à leurs seuls passages à l’acte, les enfermant ainsi dans une identité de délinquant. Nous dénonçons une politique qui, en s’appuyant sur le déterminisme social et comportemental, décrète l’inéducabilité de certains adolescents et ce faisant nie leurs possibilités de reconstruction et de perspectives d’avenir. Nous nous opposons à une réforme de l’ordonnance de 1945 qui mettrait fin à la spécificité de la justice des mineurs et à la primauté de l’éducation sur la répression à l’égard des jeunes auteurs de délits. Nous réaffirmons que les établissements pénitentiaires pour mineurs ne sont pas des structures éducatives, ce sont des prisons destinées à faciliter le recours à l’incarcération ; parce que nous avons une autre ambition pour la jeunesse nous appelons à leur fermeture et au redéploiement des budgets au bénéfice des structures réellement éducatives.

Maria INES (co-secrétaire nationale du SNPES-PJJ/FSU), Jean-Pierre DUBOIS (président de la Ligue des droits de l’homme) et Hélène FRANCO (secrétaire générale du Syndicat de la magistrature).

Rebonds paru sur Libération.fr le 28 juin 2008.

Premier bilan des établissements pour mineurs

Mercredi 4 juin 2008

Les 2 premiers établissements pour mineurs (EPM), à Lavaur (81) et à Meyzieu (69), ont été respectivement mis en service les 11 et 13 juin 2007. Cette mise en service a été suivie de près par l’ouverture, toujours en 2007, des EPM de Marseille (13) et de Qiévrechain (59). La construction de 7 EPM au total (sur 2007 et 2008) a été décidée dans le cadre de la loi d’orientation et de programmation de la Justice (LOPJ votée en 2002), prévoyant la construction de 13 200 nouvelles places dont 420 pour les mineurs. Un an après la mise en service des premiers EPM, quel bilan peut-on tirer ?

 

 Peu de temps après sa mise en service, l’EPM de Meyzieu a été le théâtre de dégradations importantes de la part des mineurs qui s’y trouvaient. Sans doute que le personnel en trop faible effectif et, semble-t-il, formé à la hâte, n’a pas été en mesure de maîtriser une situation soudainement violente. Sans doute la coordination entre personnels de l’administration pénitentiaire (AP) et éducateurs de la protection judiciaire de la jeunesse (PJJ) n’a pas été satisfaisante au démarrage de ces nouveaux établissements. Sans doute les nombreuses activités prévues (scolaires, sportives, culturelles) ne suffisaient pas à permettre aux mineurs incarcérés de trouver un équilibre. On est loin de l’image que l’AP et la PJJ avaient bien voulu donner de ces « établissements modèles ». Pour autant, il n’y a pas eu de remise en cause sérieuse du fonctionnement, ni de la raison d’être de ces établissements. Au point que, le 4 février dernier, un jeune de 16 ans s’est suicidé à l’EPM de Meyzieu. Ce jeune avait semble-t-il fait une tentative de suicide, quelques jours après son incarcération (le 17 décembre). Qu’ont fait les adultes « responsables » pour prendre la pleine mesure d’un tel geste ? Comment l’ont-ils aidé après cette tentative, alors qu’il était de toute évidence dans un état de souffrance aiguë ? Autant de questions auxquelles Rachida Dati a trouvé une réponse surprenante, alors qu’elle était en visite dans l’établissement quelques jours après le tragique incident, pour « apporter son soutien au personnel » : « Leur travail [des personnels] et la structure de l’établissement » ne sont « absolument pas remis en cause ». Le comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (CPT) souligne dans son 9e rapport général de 1998 : « quelle que soit la raison pour laquelle ils ont pu être privés de liberté, les mineurs sont intrinsèquement plus vulnérables que les adultes. En conséquence, une vigilance particulière est requise pour protéger de manière adéquate leur bien-être physique et mental ». Le jeune de 16 ans a-t-il été protégé, alors même qu’il avait fait une première tentative de suicide ?
La construction d’établissements pour les mineurs est dans la logique sécuritaire des lois pénales récentes :
- la loi du 5 mars 2007 relative à la prévention de la délinquance avec, notamment, l’extension de la procédure de la composition pénale dès l’âge de 13 ans ou la procédure de présentation immédiate devant la juridiction pour les mineurs,
- la loi du 10 août 2007 renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs qui instaure des peines minimales obligatoires lorsqu’il y a récidive, y compris lorsque la personne mise en cause est mineure.
Cette logique sécuritaire, à elle seule, ne saurait justifier de poursuivre dans la voie de l’enfermement des mineurs.

 

 Les EPM tentent de concilier enfermement et éducation, sans grand succès. Le seul avantage tangible à ce jour est qu’ils permettent de séparer les mineurs des majeurs, ce qui n’est pas toujours le cas en maison d’arrêt. Mais ne faut-il pas avant tout poser la question de l’enfermement des mineurs ? Comment concevoir de mener à bien une mission éducative alors que la contrainte de l’enfermement est patente, pesante, pour des jeunes qui précisément font de la défiance de l’autorité un mode d’affirmation d’eux-mêmes ?

 

 

Communiqué de la rédaction de Ban Public, Mai 2008.

Répression des mineurs : le contre-exemple américain

Mardi 29 avril 2008

Le 5 juillet, au terme d’un examen mené tambour battant par la ministre de la justice Rachida Dati, le Sénat français a adopté le projet de loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs. L’Assemblée nationale en débattra à son tour à partir du 17 juillet. Les peines minimales instaurées par ce texte s’appliquent aux mineurs ; s’ils sont âgés de plus de 16 ans, ceux-ci se voient retirer l’excuse de minorité dès le troisième acte de violence.

 

Ces mesures s’inscrivent dans une politique de recours massif à l’incarcération — une note de l’administration pénitentiaire publiée le 11 juillet prévoit environ 80 000 détenus en 2017, alors qu’ils sont actuellement au nombre de 60 800 pour 50 500 places. Elles signifient également un nouveau durcissement de la loi à l’égard des mineurs délinquants.

 

C’est dans ce contexte qu’un éditorial de l’International Herald Tribune (1) vient rappeler le caractère à la fois « inhumain et contre-productif » de la suppression du traitement spécial pour les mineurs. Au cours des dernières décennies, en effet, les Etats américains ont jugé un nombre croissant de mineurs comme des adultes, en les enfermant dans les mêmes prisons que ces derniers. Or, comme l’a encore montré une étude (2) publiée au printemps dernier par l’American Journal of Preventive Medicine, cette politique a eu des conséquences désastreuses : les enfants concernés ont, par la suite, commis davantage de crimes violents que ceux qui avaient été jugés et incarcérés en tant que mineurs. En outre, souligne le journal, la moitié de ceux qui avaient été traduits en justice dans ces conditions n’ont pas été condamnés — mais ont tout de même fait de la détention préventive avec des adultes.

 

Enfin, il est établi que les mineurs noirs ont davantage de « chances » d’être jugés et condamnés comme des adultes. La déclaration de M. Nicolas Sarkozy justifiant la modification de l’ordonnance de 1945 par le fait que « les mineurs de 1945 n’ont rien à voir avec les géants noirs des banlieues d’aujourd’hui », le 28 juin 2006 en conseil des ministres (lire « La discipline s’impose dès le berceau »), ne permet pas d’affirmer qu’il n’en sera pas également ainsi en France. Un paradoxe au moment où la France, au nom de la protection des mineurs, prend une part active à la campagne internationale pour la libération et la réinsertion des enfants-soldats.

 

(1) « Juvenile justice in America », International Herald Tribune, 12 juillet 2007.

 

(2) Lire Michael Tonry, « Treating Juveniles as Adult Criminals. An Iatrogenic Violence Prevention Strategy if Ever There Was One » (PDF), American Journal of Preventive Medicine, avril 2007.

Article paru sur monde-diplomatique.fr le 16 juillet 2007.

Un coup de jeune dans les prisons

Jeudi 17 avril 2008

Dénonçant une hausse de la délinquance des moins de 18 ans, Rachida Dati veut durcir les sanctions.

Cela commence par un film, au ton alarmiste. «A l’aube du XXIe siècle, la délinquance se durcit. En moins de dix ans, les condamnations pour violences des mineurs ont cru de 150 %», martèle le commentaire. Mardi, à la chancellerie, Rachida Dati projetait à ses invités un documentaire, condensé d’alarme sécuritaire. Il s’agissait d’instaurer un groupe de travail chargé de «réfléchir» à une réforme de l’ordonnance de 1945 sur la justice des mineurs. Et de faire des propositions le 1er novembre. Mais le discours de la ministre de la Justice, suivi par celui du président du groupe de travail, le juriste André Varinard, à la tonalité fort proche, montre que les projets du gouvernement en ce domaine ont déjà été bien «réfléchis».

En prison avant 13 ans?

 

L’ordonnance de 1945 pose le principe d’une justice des mineurs différente de celle des majeurs, où l’éducatif doit toujours primer sur le répressif. Elle pose un âge minimum, 13 ans, en dessous duquel un jeune ne peut pas faire l’objet d’une sanction pénale. Il peut être rappelé à l’ordre, puni, mais par des mesures éducatives. Par exemple, il peut être suivi par un éducateur et être tenu de respecter un certain nombre d’engagements. Mais il n’effectue pas de peine.

 

Dans son discours, Rachida Dati a alerté sur la «forte progression de la délinquance des moins de 13 ans». Elle a jugé «pas exempte de critiques» l’impossibilité de «condamner à une peine»«trouver une méthodologie plus efficace» pour ramener les plus jeunes dans le droit chemin. A plusieurs reprises, l’idée d’appliquer des sanctions pénales, donc possiblement des peines de prison, aux moins de 13 ans a été évoquée. ces enfants. André Varinard a renchéri: il faut

 

Un «âge minimum» de responsabilité

 

L’ordonnance de 1945 ne prévoit pas «d’âge minimum» de responsabilité pénale. Cela veut dire que si un seuil (13 ans) existe pour pouvoir être condamné à une peine, il n’y a pas, en revanche, d’âge minimum pour être sanctionné d’une mesure éducative. Le juge pour enfants est chargé, au cas par cas, d’évaluer le «discernement» de l’enfant. Et lui infliger une sanction éducative, quel que soit son âge. Dati voudrait l’instauration d’un âge minimum. C’est ce que réclame la convention internationale des droits de l’enfant (Cide), qui engage la France depuis 1990. Ce «seuil», en dessous duquel aucune condamnation de quelque sorte que ce soit n’est possible, existe dans la plupart des pays européens. Mais les écarts sont énormes: 7 ans en Grèce, 10 en Grande-Bretagne, 12 en Suède, au Pays-Bas et en Italie, 14 ans en Allemagne. Le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies recommande que ce seuil minimal soit fixé à 12 ans. Que décidera la France? Vu la détermination du gouvernement à vouloir sanctionner pénalement les moins de 13 ans, on peut légitimement s’inquiéter. Dans un rare communiqué, l’Unicef France a appelé les membres du groupe de travail «à considérer que l’âge de 12 ans est l’extrême minimum».

 

Juger les mineurs comme des majeurs?

 

«Il ne semble plus possible de continuer à parler d’enfants et de juge pour enfants alors que cette délinquance concerne de grands adolescents dont les délits sont bien proches de ceux commis par les adultes», a déclaré André Varinard dans son discours. Une phrase qui fait écho aux propos de Nicolas Sarkozy. «Un garçon de 17 ans mesurant 1,90 m qui frappe à terre avec une violence inouïe un photographe ou une petite jeune fille, l’amener devant le tribunal pour enfants, il n’a plus rien d’un enfant, c’est parfaitement ridicule», affirmait-il en avril 2006. Derrière ces déclarations, deux projets. Le premier consiste à s’attaquer à la «tranche», comme dit Rachida Dati, des mineurs de 16 à 18 ans, que le gouvernement veut juger comme des adultes. André Varinard a exprimé le souhait que, «au delà de 16 ans, les mineurs puissent relever de juridictions toujours spécialisées, mais plus proches du droit commun». La brèche a été ouverte par la loi sur la récidive du 10 août 2007, qui permet de supprimer «l’excuse de minorité» lorsque le mineur est récidiviste. Et donc de prononcer des condamnations semblables à celles des majeurs. Rachida Dati a souligné mardi son intention de renforcer cette logique de gradation en fonction de la récidive «par paliers». «Aucun parcours de mineurs n’est automatique, rectiligne, avec des infractions de plus en plus graves, s’inquiète Laurence Bellon, vice-présidente du tribunal pour enfants de Lille. La notion de récidive suppose une maturité, une volonté. On ne peut pas l’appliquer aux mineurs comme aux majeurs. Il faut une souplesse pédagogique.»

 

Supprimer le juge pour enfants?

 

Le deuxième projet concerne la définition du juge pour enfants. Celui-ci a en effet, pour l’instant, une double casquette. Il ne se borne pas à sanctionner le jeune, il est aussi chargé de la protection de l’enfance, donc du suivi des mesures éducatives. Considérant qu’un enfant délinquant est aussi un enfant en danger, l’ordonnance de 1945 a voulu lier les deux fonctions. «A la chancellerie, ils ont déjà calculé qu’on économiserait 240 magistrats si le contentieux de l’assistance éducative était retiré au juge des enfants pour être confié aux conseils généraux», s’inquiète le secrétaire général de l’Union syndicale des magistrats (USM). «Le fait de s’occuper d’assistance éducative ne nuit pas à mon efficacité, au contraire, s’alarme Laurence Bellon. C’est assez semblable au rôle d’un professeur, qui à la fois punit, met zéro si on n’a pas travaillé, et qui explique, qui a une mission d’apprentissage. Le juge pour enfants, c’est celui qui apprend la loi pénale, pas qui l’applique automatiquement. Si on supprime la pédagogie, la sanction n’a plus aucune chance d’être efficace.»

 

Article d’Ondine Millot paru sur Libération.fr le jeudi 17 avril 2008.

Lire aussi le dossier: Délinquance, justice et statistiques.

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