Après nous avoir exposé son point de vue sur l’état du système pénitentiaire français, Thomas Huet répond à nos questions au sujet du premier rapport sur les prisons effectué par le contrôleur général des lieux privatifs de liberté. Conforté dans ses idées, le vice-président du Groupement étudiant national d’enseignement aux personnes incarcérées (Genepi) évoque un système loin d’être satisfaisant et favorisant la perte du lien social du détenu. En3mots : Le rapport de Jean-Marie Delarue fait état d’un manque cruel d’encadrement des détenus dans les prisons françaises. Un constat que vous confirmez?
Thomas Huet : Effectivement, c’est ce que l’on regrette au GENEPI. Il est dommageable que l’on ne donne pas plus de sens à la peine du détenu et que l’on ne s’en serve pas pour le préparer à sa sortie. La prise en charge sociale des détenus est défaillante, c’est une évidence. Cela renvoie au manque de moyens qui sont donnés à l’Administration pénitentiaire. Quand on voit qu’un conseiller d’Insertion et de Probation a plus de cent dossiers à gérer à la fois, on comprend vite pourquoi les choses ne vont pas bien. Ce manque de soutien à la réinsertion sociale des détenus est ainsi dû aux sous-effectifs, mais également à des démarches bureaucratiques trop encombrantes et contraignantes pour les conseillers. Les collaborateurs de ces derniers ne peuvent pas se pencher suffisamment longtemps sur le dossier d’un détenu pour pouvoir le gérer de façon satisfaisante.
E3M : Le parcours d’exécution des peines n’est donc pas satisfaisant à l’heure actuelle. Quelles améliorations serait-il nécessaire d’apporter pour aboutir à un système plus efficace?
T.H : Avant toute chose, il est nécessaire de replacer ce rapport dans son contexte. Le travail d’observation a été fait dans la prison de Villefranche-sur-Saône. Il ne faut donc pas tirer des conclusions globales sur l’ensemble des prisons françaises, la réalité pouvant être très différente d’une ville à l’autre. En ce qui concerne le parcours d’exécution des peines, il est évident que ce système est défaillant à l’heure actuelle. Les règles pénitentiaires européennes, ou RPE, sont une bonne chose. Toutefois, celles-ci ne s’accompagnent pas d’un règlement intérieur cadre au niveau national. Et c’est bien là le principal manque du système. Car l’absence d’un règlement commun et précis au niveau français laisse place à l’interprétation des règles européennes dans chaque prison. Ainsi, chacune d’entre elles opère avec les moyens dont elle dispose. Le parcours individualisé devient en réalité un outil de gestion des flux. Comme le dit le rapport, il y a ceux qui ont de la chance d’un côté, et ceux qui sont délaissés et livrés à eux-mêmes de l’autre.
E3M : Preuve de cet isolement et de ce manque d’encadrement, les temps de promenade sont devenus des espaces de forte violence…
TH : C’est le reflet même de ce qui se passe en prison ! En fait, on laisse le temps passer sans jamais intervenir. Pour ces promenades, les règles sont depuis longtemps édictées par les détenus et cela est vrai dans toutes les prisons françaises. C’est la loi des plus forts qui prévaut. Jamais un surveillant n’interviendra directement dans ces cours de promenade, en dépit des bagarres répétées qui y ont lieu. Ce qui est terrible, c’est qu’on laisse la violence se développer. En effet, le détenu n’étant pas pris en charge convenablement au quotidien, il s’enferme dans un système qui est fait de vengeance et de réponse à une violence initiale. N’ayant pas, ou trop peu d’activités lui permettant une ouverture d’esprit, il ressasse en permanence les évènements qui ont lieu lors des promenades. D’autant que les détenus maîtrisent parfaitement ces espaces, connaissant les moindres recoins de la prison et donc les angles morts où le contrôle n’existe pas dans les cours de promenade. Au cours des ateliers que l’on anime, les détenus nous font part de cette réalité quotidienne, faite de violence et d’isolement. On se rend ainsi compte des efforts considérables qu’il y a à faire. On a tendance à oublier que la durée de la peine sert également à préparer la sortie du détenu…
Article de Gaëtan Briard publié le 15 Janvier 2009 sur en3mots.com.
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