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Archive pour janvier 2009

Le gouvernement taille une chaire sur mesure à Alain Bauer

Vendredi 30 janvier 2009

Mardi 27 janvier doit être actée en conseil d’administration du Conservatoire national des arts et métiers l’arrivée d’Alain Bauer, ancien grand maître du Grand Orient de France. Il écoppe, sur intervention de Valérie Pécresse, d’une toute nouvelle chaire de criminologie taillée sur mesure. Depuis deux semaines, profs et personnels du CNAM se rebiffent contre ce parachutage.

La ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche a tout récemment proposé au Conservatoire national des arts et métiers d’accueillir en son sein la première chaire de criminologie en France. S’il n’était pas déjà suffisant en lui-même, ce gâteau ministériel comporte une cerise: la nomination d’Alain Bauer comme premier titulaire de la chaire.

A l’heure où les universités, devenues autonomes, doivent apprendre à gérer des budgets étriqués et des locaux délabrés, il est pour le moins surprenant de voir le ministère s’immiscer à tel point dans la vie d’un établissement. Rien là d’illégal, certes. D’autres chaires ont été créées au CNAM ces dernières années par le même procédé.

Un nouveau fait du Prince

D’autres professeurs titulaires ont dû leur nomination au fait qu’ils avaient été désignés en amont par le ministère, au mépris des règles de concurrence en vigueur dans le monde académique. Mais l’argument du précédent ne justifie en rien ce nouveau fait du Prince.

Existe-t-il d’autres lieux où le pouvoir se mêle de créer des chaires et, ce faisant, d’institutionnaliser l’enseignement de disciplines peu ou pas reconnues? A-t-on déjà vu ailleurs des personnalités parachutées sur des postes aussi prestigieux, sans la moindre concertation avec les milieux professionnels concernés par le domaine de la chaire?

Notre établissement, fondé il y a plus de deux siècles par l’Abbé Grégoire, se distingue pourtant de l’Université sur bien d’autres plans: l’ouverture à tous, quel que soit le niveau de qualification initial; la diversification constante des formations, en lien avec les évolutions des secteurs professionnels, et leur accessibilité à distance par le biais des nouvelles technologies; l’adaptation de la recherche au vaste champ d’enseignement proposé, des sciences et techniques industrielles aux TIC, en passant par les sciences de l’homme et de la société, etc.

Si le ministère souhaite donc intervenir dans la vie du CNAM, il dispose d’une palette d’orientations et de moyens beaucoup plus profitables collectivement.

L’urgence n’est pas là

Savoir si la criminologie souffre d’un déficit de reconnaissance académique qu’une chaire pourrait combler, telle ne devrait pas être l’urgence immédiate pour le CNAM et ses personnels. D’autres ont engagé la discussion, ici et là, et c’est l’honneur de la communauté scientifique que de préférer les exigences du débat d’idées aux sirènes de l’opportunisme institutionnel. Mais le calendrier dicte parfois les urgences. C’est en effet mardi prochain, le 27 janvier, que le conseil d’administration du CNAM statuera sur la nomination d’Alain Bauer comme titulaire d’une chaire de criminologie.

Qui connaît M. Bauer? Qui a lu son rapport remis en mars dernier au président de la République et au Premier ministre, « Déceler – Etudier – Former: une voie nouvelle pour la recherche stratégique »? Qui a n’a pas frémi face à cette « pensée “catastrophiste”, voire “apocalyptique” qui consiste à dramatiser l’insécurité », une pensée assénée sur le mode de l’évidence, appuyée sur des interprétations statistiques douteuses et nourrie par la peur d’une société où le risque serait devenu global?

A ces questions, nous répondons qu’il se trouve 280 personnes à ce jour (universitaires, chercheurs, médecins, magistrats, travailleurs sociaux…) pour exprimer leur crainte de voir Alain Bauer occuper la tribune qu’entendent lui offrir le ministère de l’Enseignement supérieur et, n’en doutons pas, l’Elysée.

Incontestablement, Alain Bauer a besoin du CNAM pour se prévaloir de la légitimité académique qui lui fait si cruellement défaut. Mais le CNAM a-t-il besoin de lui? Nous ne le pensons pas et nous entendons bien faire entendre cette conviction, largement partagée, à ceux qui seront amenés à voter pour ou contre l’attribution d’une chaire de criminologie au candidat désigné par le ministère.

Ce texte est signé de sept enseignants du CNAM : Antoine Bevort, professeur des universités au CNAM (sociologie), Elisabeth Dugué, ingénieure de recherches au CNAM (sociologie), Michel Lallement, professeur titulaire de chaire au CNAM (sociologie) Bénédicte Logé, maître de conférences au CNAM (mathématiques), Roselyne Orofiamma, ingénieure d’études au CNAM, Françoise Rouard, maître de conférences au CNAM (linguistique), Dominique Roux-Rossi, professeur des universités au CNAM (droit).

Tribune du Collectif des personnels du CNAM parue le 25 janvier 2009 sur Rue89.com.

Les prisons : un « milieu » carcéral

Jeudi 29 janvier 2009

L’émission C dans l’air proposait le 23 janvier 2009 une émission consacrée aux suicides dans les prisons françaises :

Douze suicides dans les cellules françaises depuis le 1er janvier, 115 au cours de l’année 2008… Face à la progression du nombre des suicidés dans les prisons, l’administration pénitentiaire a reconnu ces derniers jours une « situation préoccupante ». 
Un détenu se suicidait tous les trois jours dans les prisons françaises en 2008. Douze ont commis officiellement ce geste depuis le début de l’année 2009. La situation est « préoccupante », a reconnu Claude d’Harcourt, le directeur de l’administration pénitentiaire, lors d’une conférence de presse organisée en urgence, jeudi 15 janvier.
Sur les 115 décès recensés en prison au cours des douze derniers mois – soit une augmentation de 20 % par rapport à 2007 -, les deux tiers des détenus étaient déjà identifiés comme sujets à risque. Alors, pourquoi une telle augmentation des suicides dans les prisons françaises ? Et surtout, comment les éviter ?
Depuis des mois, syndicats et associations dénoncent la surpopulation des prisons de l’Hexagone. Ainsi, au 1er décembre 2008, il y avait 63 619 détenus pour 50 963 places, avec des taux d’occupation battant des records dans certains établissements : 406 détenus pour 180 places à Béthune (soit 226 %), 585 détenus pour 389 places à la maison d’arrêt de Douai, où un suicide était à déplorer le 13 janvier dernier.
Mais pour le directeur de l’administration pénitentiaire, ces derniers suicides ne sont pas « corrélés à des questions immobilières ». Selon lui, la vague récente touche majoritairement des personnes condamnées dans des affaires sexuelles, des personnes pour lesquelles le risque de dépression serait plus fort.
Le docteur Louis Albrand, médecin expert agréé par la Cour de cassation et chargé de remettre un rapport sur la prévention du risque suicidaire au ministère de la Justice, le 31 janvier, invite, quant à lui, à établir « un rapport entre le suicide et la maladie mentale », une pathologie qui serait fréquente en prison. Environ un quart des prisonniers français souffriraient en effet de troubles psychiques graves. Dans le même temps, le contrôleur général des lieux privatifs de liberté, Jean-Marie Delarue, pointe du doigt, dans un premier rapport, la réalité de la vie quotidienne en détention : des cours de promenade « devenues des zones de non-droit » livrées à la violence des détenus, un défaut d’encadrement dans la détention et un parcours d’exécution des peines sans contenu.  

La plainte d’un détenu remisée au placard

Vendredi 23 janvier 2009

Selon la Cour de cassation, l’Etat ne peut faire l’objet de poursuites pénales de la part de détenus considérant que leurs conditions de détentions sont « incompatibles avec la dignité humaine ».

 

Et pourquoi pas le room-service ? En plus d’avoir eu maille à partir avec la justice de la République, il se trouve parfois certains malotrus, gentiment logés, nourris et blanchis par l’Administration pénitentiaire, pour se plaindre de leurs traitements. Ainsi, Christian Donat, incarcéré pendant 5 ans à la maison d’arrêt de Rouen, a trouvé à redire à ses conditions d’hébergement. A trois dans une cellule de 10,5 m2, les toilettes à l’air libre, tout cela rendu encore plus agréable par les grosses chaleurs estivales… Une sinécure que le monsieur, un brin procédurier, n’a que peu goûtée.

 

Parmi ses lectures, le détenu est tombé sur l’article 225-4 du code pénal assurant que « le fait de soumettre une personne, dont la vulnérabilité ou l’état de dépendance sont apparents ou connus de l’auteur, à des conditions de travail ou d’hébergement incompatibles avec la dignité humaine est puni de cinq ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende ». Un article de loi destiné à l’origine à punir les marchands de sommeil. De là à qualifier l’administration pénitentiaire des mêmes termes, on frôlerait l’insolence. D’ailleurs, la cour d’appel de Rouen a renvoyé la plainte, considérant que l’Etat ne pouvait être mis en cause pénalement dans cette affaire. Sauf que, saisie dans les mêmes termes par un autre détenu, la cour d’appel de Nancy a estimé que ces conditions de détention tombaient bien sous le coup de la loi pénale. Une première en France.

 

Direction la Cour de cassation. A charge pour elle de trancher sur le droit. Et la réponse est tombée dans l’après-midi du mardi 20 janvier : « Les faits dénoncés n’entrent pas dans les prévisions de l’article 225-14 et ne peuvent émettre aucune qualification pénale. » « C’est une décision qui consacre l’impossibilité pour un détenu de se plaindre et assure l’immunité aux directeurs de prison », explique à Bakchich Hugues de Suremain, juriste à l’Observatoire Internationale des Prisons (OIP).

 

De l’applicabilité du droit commun en prison

 

Dans un communiqué publié sur son site l’observatoire souligne que « selon un document interne du ministère de la Justice de juillet 2007, « la majorité de ce patrimoine [pénitentiaire] est ancien (54 % des bâtiments ont été construits avant 1920) et n’est plus conforme aux normes d’hygiène et de sécurité obligatoires pour l’hébergement des personnes écrouées […] un établissement sur deux est antérieur à 1920 ; certains datent du 13è siècle ; vingt-cinq établissements sont identifiés comme devant fermer au plus vite ». Des chiffres qui n’ont pas eu l’air d’émouvoir les magistrats de la cour suprême. Et l’espoir de nombreux détenus de voir s’améliorer leurs conditions d’enfermement tout bonnement envolé.

 

Un arrêt qui pose la question de l’applicabilité du droit commun en prison et dont la problématique se pose régulièrement que ce soit sur le vote des personnes incarcérées ou encore sur les règles encadrant le travail en prison (thème sur lequel Bakchich reviendra très prochainement). Mais Me Spinozi, qui défend Christian Donat, assure à Bakchich qu’il n’en restera pas là : « Tous les recours ont été épuisés, nous irons donc devant la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH). » La CEDH qui, rappelons-le, condamne régulièrement la France sur l’état de ses prisons. Ce qui n’empêche pas les prisons françaises d’être toujours de boues.

Article de Simon Piel, publié le 21 janvier 2009 sur Bakchich.info.

« Explosion de la délinquance des mineurs » : mythe ou réalité ?

Vendredi 23 janvier 2009

L’émission Du grain à moudre de Julie Clarini et Brice Couturier sur France culture proposait le 8 janvier 2008 une émission sur l’évolution de la délinquance et de la justice des mineurs, « Explosion de la délinquance des mineurs » : mythe ou réalité ?

Les invités :

Laurent Mucchielli.  Sociologue. Directeur du Centre de recherches sociologiques sur le Droit et les Institutions Pénales.

André Varinard.  Professeur de droit public à Lyon III. Président de la Commission qui porte son nom et qui a rendu le 3 décembre dernier un rapport sur la refonte de la justice des mineurs et de l’ordonnance du 2 février 1945.

Alain Bauer.  Criminologue. Président du Conseil d’Orientation de l’Observatoire National de la délinquance.

« On laisse le temps passer en prison… »

Vendredi 16 janvier 2009

Après nous avoir exposé son point de vue sur l’état du système pénitentiaire français, Thomas Huet répond à nos questions au sujet du premier rapport sur les prisons effectué par le contrôleur général des lieux privatifs de liberté. Conforté dans ses idées, le vice-président du Groupement étudiant national d’enseignement aux personnes incarcérées (Genepi) évoque un système loin d’être satisfaisant et favorisant la perte du lien social du détenu.Justice prison suicide   En3mots : Le rapport de Jean-Marie Delarue fait état d’un manque cruel d’encadrement des détenus dans les prisons françaises. Un constat que vous confirmez?

Thomas Huet : Effectivement, c’est ce que l’on regrette au GENEPI. Il est dommageable que l’on ne donne pas plus de sens à la peine du détenu et que l’on ne s’en serve pas pour le préparer à sa sortie. La prise en charge sociale des détenus est défaillante, c’est une évidence. Cela renvoie au manque de moyens qui sont donnés à l’Administration pénitentiaire. Quand on voit qu’un conseiller d’Insertion et de Probation a plus de cent dossiers à gérer à la fois, on comprend vite pourquoi les choses ne vont pas bien. Ce manque de soutien à la réinsertion sociale des détenus est ainsi dû aux sous-effectifs, mais également à des démarches bureaucratiques trop encombrantes et contraignantes pour les conseillers. Les collaborateurs de ces derniers ne peuvent pas se pencher suffisamment longtemps sur le dossier d’un détenu pour pouvoir le gérer de façon satisfaisante.

E3M : Le parcours d’exécution des peines n’est donc pas satisfaisant à l’heure actuelle. Quelles améliorations serait-il nécessaire d’apporter pour aboutir à un système plus efficace?

T.H : Avant toute chose, il est nécessaire de replacer ce rapport dans son contexte. Le travail d’observation a été fait dans la prison de Villefranche-sur-Saône. Il ne faut donc pas tirer des conclusions globales sur l’ensemble des prisons françaises, la réalité pouvant être très différente d’une ville à l’autre. En ce qui concerne le parcours d’exécution des peines, il est évident que ce système est défaillant à l’heure actuelle. Les règles pénitentiaires européennes, ou RPE, sont une bonne chose. Toutefois, celles-ci ne s’accompagnent pas d’un règlement intérieur cadre au niveau national. Et c’est bien là le principal manque du système. Car l’absence d’un règlement commun et précis au niveau français laisse place à l’interprétation des règles européennes dans chaque prison. Ainsi, chacune d’entre elles opère avec les moyens dont elle dispose. Le parcours individualisé devient en réalité un outil de gestion des flux. Comme le dit le rapport, il y a ceux qui ont de la chance d’un côté, et ceux qui sont délaissés et livrés à eux-mêmes de l’autre.

E3M : Preuve de cet isolement et de ce manque d’encadrement, les temps de promenade sont devenus des espaces de forte violence…

TH : C’est le reflet même de ce qui se passe en prison ! En fait, on laisse le temps passer sans jamais intervenir. Pour ces promenades, les règles sont depuis longtemps édictées par les détenus et cela est vrai dans toutes les prisons françaises. C’est la loi des plus forts qui prévaut. Jamais un surveillant n’interviendra directement dans ces cours de promenade, en dépit des bagarres répétées qui y ont lieu. Ce qui est terrible, c’est qu’on laisse la violence se développer. En effet, le détenu n’étant pas pris en charge convenablement au quotidien, il s’enferme dans un système qui est fait de vengeance et de réponse à une violence initiale. N’ayant pas, ou trop peu d’activités lui permettant une ouverture d’esprit, il ressasse en permanence les évènements qui ont lieu lors des promenades. D’autant que les détenus maîtrisent parfaitement ces espaces, connaissant les moindres recoins de la prison et donc les angles morts où le contrôle n’existe pas dans les cours de promenade. Au cours des ateliers que l’on anime, les détenus nous font part de cette réalité quotidienne, faite de violence et d’isolement. On se rend ainsi compte des efforts considérables qu’il y a à faire. On a tendance à oublier que la durée de la peine sert également à préparer la sortie du détenu…

Article de Gaëtan Briard publié le 15 Janvier 2009 sur en3mots.com.

Détenus handicapés : une double peine au quotidien

Mardi 13 janvier 2009

 

L’administration pénitentiaire française a censuré le témoignage d’un détenu handicapé dans une publication spécialisée.

S., détenu à la maison centrale de Poissy, est aveugle et handicapé. En septembre 2006, il a été transporté à l’hôpital dans des conditions inadaptées à son état. Dans un courrier adressé à l’Observatoire international des prisons (OIP), S. dénonce cet épisode « dégradant » pour lui et autorise l’organisation à publier ce témoignage:

« Etant installé sur un fauteuil roulant, des surveillants m’ont posé dans un camion, sans ajuster ni caler le fauteuil (freins), ce qui a eu pour effet de me faire cogner, de me causer vertiges et nausée du transport, car dans ma non-voyance, je suis dans l’impossibilité de me retenir, étant enchaîné, ne pouvant en aucune manière anticiper les mouvements du véhicule. »

Ces lignes ne sont finalement parvenues à destination qu’en février 2007 sans la mention « autorisation pour publication ». (Télécharger la lettre)

 

5000 personnes handicapées dans les prisons françaises

L’OIP, jugeant cette censure inacceptable a alors saisi la Commission nationale de déontologie de la sécurité (CNDS), laquelle a conclu, le 15 décembre 2008, que le transport à l’hôpital de S. ne s’est pas fait dans des conditions adaptées et que la retenue de son courrier ne se justifiait pas. (Télécharger l’avis)

Le cas de S. révèle l’abandon ordinaire de quelques 5 000 personnes handicapées dans les prisons françaises (selon le CCNE, 2003). L’administration pénitentiaire comptabilise 195 handicapés « moteurs » dans ses établissements mais ne prend pas en compte les handicapés mentaux, les personnes âgées ou affaiblies.

« Les études, superficielles, ne rendent pas compte de la population carcérale ayant des dépendances physiques très fortes. Or, sans étude régulière, comment établir une politique de soin et de prise en charge adaptée? Il n’y a d’ailleurs aucun établissement pour peine disposant de locaux aux normes », déplore François Bès, de l’OIP.

 

« Depuis trois mois, je n’ai pas pu prendre de douche »

 

Absence de rampes d’accès ou d’ascenseurs, présence de nombreux escaliers, soins médicaux inadaptés, isolement, impossibilité d’accéder aux sanitaires, aux douches, aux promenades… les détenus handicapés pâtissent de l’inaccessibilité des prisons. Dans la revue « Dedans, dehors », consacrée au monde carcéral, certains témoignent:

« Ici, on ne m’a toujours pas autorisé du matériel pour apprendre à lire et à écrire (…) Etant dans le noir total et ne pouvant guère bouger, je suis obligé de passer 90% de mon temps sur mon lit. Je subis de multiples fois par jour l’intrusion de personnes qui ni ne préviennent de leur arrivée ni ne frappent à la porte. Lors de fouilles de ma cellule, on peut modifier l’ordre de rangement de toutes mes affaires, là encore sans me prévenir. »
Aveugle, Poissy (Yvelines).

« Depuis trois mois, je n’ai pas pu prendre de douche. L’administration m’a répondu qu’elle devait s’équiper. »
Paraplégique, Tarascon (Bouches-du-Rhône).

« Comment puis-je faire pour avoir un interprète pour m’aider lors de mes entretiens avec les psychologues, pour vendre mes compétences, pour avoir du travail, pour discuter avec les différents services? »
Sourd-muet, Fresnes (Val-de-Marne)

« Certaines nuits, il m’est arrivé de dormir assis sur mon fauteuil, la tête sur la table. Je n’ai toujours pas pris l’air depuis mon arrivée car il m’est impossible d’avoir accès à la cour de promenade. »
Personne en fauteuil roulant, Brest (Finistère)

Des cellules adaptées en construction

 

La France a déjà été condamnée en 2007 pour le cas d’un détenu paraplégique maintenu dans des prisons inadaptées à son état.

Sur les 195 établissements pénitentiaires, 123 cellules ont été aménagées pour les détenus handicapés et 130 sont en construction, selon l’administration pénitentiaire. La ministre de la Justice, Rachida Dati, a assuré que les lieux dont la justice à la charge seront remis aux normes établies pour l’accueil des handicapés.

 

Des mesures insuffisantes pour l’OIP qui juge inadapté l’emprisonnement des personnes handicapées:

« La loi du 4 mars 2002 sur le droit des malades prévoit des suspensions et aménagements de peine pour raisons médicales mais ça n’est quasiment jamais appliqué. Ou alors uniquement quand le pronostic vital du détenu est en jeu. Le handicap lourd n’est pas pris en compte. »

Alors que la prise en charge des handicapés ne semble pas présenter de caractère d’urgence pour les pouvoirs publics, « une étude l’Insee » révélait dès 2002 que le handicap était plus fréquent en prison qu’ailleurs.

 

A lire aussi:
« Le handicap est plus fréquent en prison qu’à l’extérieur »
► Toutes les informations sur le monde carcéral sur le site de l’Observatoire international des prisons
► Tous les articles de Rue89 sur les prisons.

Article de Zineb Dryef publié le 10 janvier 2009 sur Rue89.com.

Risque d’amputation pour Peter, suite à une brulure qui n’a pas été prise au sérieux par les surveillants de Villefranche

Lundi 12 janvier 2009

Peter, un détenu que je parraine, risque d’être amputé suite à une brulure qui n’a pas été prise au sérieux par les surveillants de Villefranche.

En effet , Peter se brûle à la suite d’une préparation de « pâtes » dans sa cellule. Peter explique durant plusieurs jours qu’il a de plus en plus mal, un surveillant lui a répondu que la prochaine fois il fera attention. Peter insiste les jours suivants, la douleur devient tellement intense qu’il en bouscule un surveillant pour se faire entendre. Les ganglions qui se trouvent sous les bras gonflent, il a très mal dans tout le bras, et dans une partie du torse.

Les surveillants décident enfin de l’emmener voir une infirmière, sa plaie se dégrade de jour en jour, et mercredi on le transfère à l’UHSI. L’assistante sociale de cet hôpital pour détenus explique, aujourd’hui dans l’après midi, à la maman que Peter a insisté pour qu’on la prévienne du diagnostic.
Le médecin n’est pas très optimiste, il va tenter de lui racler une partie de la main jusqu’à l’os car il est vraiment très très infecté. Le médecin n’est pas sûr que cela soit suffisant. Il a donc préparer Peter à une éventuelle AMPUTATION !!!!

Sa maman et une amie, qui se sont rendues à Villefranche mercredi pour le parloir, se sont vues interdire l’accès, sans explications !!!!!

Ce matin après un forcing habituel (menaces), j’ai réussi à avoir une responsable pour demander des explications sur le parloir refusé (avec toute l’histoire rocambolesque que la famille a vécue mercredi devant la porte de la prison), c’est à ce moment là que j’apprends que Peter est à l’hôpital, bien évidemment la responsable me donne une version tempérée sur la situation. Elle m’explique que Peter n’a pas prévenu à temps, je lui donne la version que Peter a donné à sa maman samedi, elle me répond : « oui peut-être » mais la démarche doit être faite par écrit et insiste sur le fait que les détenus ont une boîte aux lettres pour une demande de soins ».

Comme vous pouvez vous en douter je suis très en colère, je vais tout faire pour faire la lumière sur cette affaire, je vous tiendrai informés du déroulement et de la santé de Peter.

Pour tous ceux qui doutent encore sur la parole des détenus, sachez que moi je serai toujours de leur côté car il y a bien longtemps que j’ai compris où se trouvaient la manipulation et le mensonge, alors oui, je ne suis pas une Présidente d’association qui fait dans le politiquement correct car je sais par expérience que l’administration pénitentiaire doit être combattue frontalement.

Karine Bergnes

Association « Faites la lumière en détention », lumieredetention@gmail.com

Trop, c’est trop, abus et absurdités en prison

Lundi 12 janvier 2009

Trop c’est trop*

Autour de l’univers carcéral, abus et absurdités.

Création collective d’après les témoignages de Bernard Bolze, Eric Jayat, d’anciens détenus et personalités du monde carcéral, mise en scène Gilles Droulez, images Cédric Lefèvre, musiqueIvan Austral, costumes Caroline Dumoutiers, lumière Pascal Fellmann, avec Gilles Droulez et Iris Munos, régie Jean Richy-Maury avec l’aimable autorisation de B. Bolze, coordinateur de la campagne « Trop, c’est trop » (www.tropctrop.fr).

Prison n. f. Lieu de détention. Etablissement clos aménagé pour recevoir des délinquants condamnés à une peine privative de liberté ou des prévenus en instance de jugement. Loc. fam. Gai comme une porte de prison : désagréable, triste. Par métaph. Ce qui enferme, retient. La prison de ces rêves…

 » Avant de vous faire une idée sur la prison, mettez-y les pieds « 

Au Carré 30, 12 rue Pizay, 69001 Lyon, du 8 au 25 janvier 2009 (à 20h30 du jeudi au samedi, 17h30 le dimanche, 13 ou 8€.

Le contrôleur général dénonce des « espaces dépourvus de règles » dans les prisons

Dimanche 11 janvier 2009

Un parcours d’exécution des peines sans contenu, des cours de promenade livrées à la violence des détenus, un défaut d’encadrement dans la détention : telles sont les constatations du premier rapport sur les prisons du contrôleur général des lieux privatifs de liberté. Jean-Marie Delarue a rendu publiques, mardi 6 janvier, ses recommandations après la visite de son équipe à la maison d’arrêt de Villefranche-sur-Saône. « Nous avons retenu les recommandations qui nous semblent s’appliquer à d’autres établissements que nous avons visités », précise M. Delarue.

S’il décrit la maison d’arrêt de Villefranche comme un établissement neuf, où les détenus « ne sont pas entassés à trois ou quatre dans une cellule », son rapport livre sans détour la réalité de la vie quotidienne en détention. Les cours de promenade sont « les lieux de tous les dangers », « des espaces dépourvus de règles », où « le personnel ne s’introduit jamais ». Elles « sont en quelque sorte abandonnées aux détenus : le plus fort impose sa loi; des blessures graves sont fréquemment constatées; bon nombre de détenus refusent d’aller en promenade, de peur des agressions ». M. Delarue note qu’une « violente rixe » a eu lieu le 31 août 2008, entre une quinzaine de détenus. « La reconquête des cours de promenade, qui ne peut se concevoir que comme un processus de longue haleine, doit être recommandée comme un objectif de l’administration pénitentiaire », préconise le contrôleur général des lieux privatifs de liberté. « La cour doit redevenir ce pourquoi elle est faite : un lieu de promenade, c’est-à-dire de détente », insiste-t-il.

Sa première recommandation concerne l’un des principaux axes de la politique de l’administration pénitentiaireet de la future loi : le parcours d’exécution des peines. A partir de l’expérience menée à Villefranche, M. Delarue constate que « ce parcours consiste à opérer un tri parmi les condamnés en proposant une évolution à certains d’entre eux et en laissant les autres sans espoir d’amélioration de leur sort ». Pour les premiers, le contrôleur relève que le contrat proposé au détenu est « parfois vide de contenu ».

« Colère »

Autre constat : la possibilité de recours des détenus est « insuffisamment développée ». « Les lettres peuvent être ouvertes par celui dont on se plaint », souligne M. Delarue. Les directeurs de prison et leurs adjoints connaissent mal la détention. Les conditions de travail des conseillers d’insertion et de probation « sont difficiles », car ils sont « surchargés de tâches bureaucratiques » et ne peuvent mener à bien leur devoir d’écoute des détenus. « La prise en charge sociale de la plupart des détenus est défaillante aujourd’hui », conclut M. Delarue.

A ses yeux, certains remèdes apportés à des problèmes rencontrés par l’administration pénitentiaire sont pires que le mal. Pour empêcher les jets d’ordures ménagères par les fenêtres, la maison d’arrêt de Villefranche, comme d’autres prisons, ont remplacé les barreaux par des caillebotis qui « ont pour effet de plonger les cellules, dans la journée, dans une quasi-obscurité ». Conséquence : « Ils aggravent la vie cellulaire déjà difficile ou très difficile, attisent les sentiments dépressifs ou de colère. » Le contrôleur demande à l’administration de trouver d’autres solutions.

Article d’Alain Salles paru sur LeMonde.fr le 7 janvier 2009.

La recommandation est disponible sur Légifrance.gouv.fr.

A coté

Jeudi 8 janvier 2009

Le jeudi 15 janvier 2009 à 20h30 au CNP Terreaux aura lieu une projection du film A coté, suivi d’un débat en présence de la réalisatrice Stéphane Mercurio, de  Bénédicte Deslandes, présidente du San Marco (association d’accueil des familles de détenus), et de l’association GENEPI (Groupement d’Etudiants National d’Enseignement aux Personnes Incarcérées).

Tarif unique : 5 euros.

A côté, de Stéphane Mercurio, Documentaire, 92′, 2007, 35mm, France.
Pas de cellule, pas de gardiens, encore moins de détenus. Juste des femmes qui attendent, qui se font belles, qui se remontent le moral, qui craquent parfois mais espèrent toujours. Elles sont femmes de détenus, mères de détenus et pères aussi parfois… De l’autre côté du mur de la prison, dans la petite maison de l’association Ti tomm, ils attendent l’heure du parloir. Elles arrivent en avance, toujours. Quelques secondes de retard et la porte de la prison restera fermée. Elles viennent une, deux, parfois trois fois par semaine, pendant des mois voire des années. Ces Pénélopes des temps modernes vivent au rythme de leur homme, à l’ombre.

Stéphane Mercurio a été rédactrice en chef du mensuel La Rue distribué à la criée par des SDF de 1992 à 1996. Elle réalise ensuite Scènes de ménage avec Clémentine (1992) un court métrage produit par les Ateliers Varan, et travaille pour Arte et TV5 en réalisant une douzaine de courts métrages à caractère social. Parmi-eux : Vivre sans toit (1997), Envies de Justice (2000), Hélène aux urgences (2003).

Article publié sur le site Filmsdefemmes.com.

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