L’affaire Eric Blaise : chronique d’un malaise

Emission Sur les docks (France culture) : Affaires à suivre (2/4)

Eric Blaise a été arrêté le mercredi 9 novembre 2005 à Epinay en compagnie d’un de ses frères et de deux copains. Ils avaient un peu bu et s’amusaient à tirer sur des canettes de bière vides à l’aide d’un pistolet à billes. Après les nuits chaudes des banlieues, des habitants avaient, semble-t-il, appelé la police. Le frère d’Eric et l’un de ses copains furent libérés après vingt-quatre heures de garde à vue. Éric et son copain passèrent en comparution immédiate après une garde à vue de cinquante heures : le copain fut condamné à trois mois de prison avec sursis et cinq ans de mise à l’épreuve ; Éric fut condamné à quatre mois de prison dont deux fermes et dix-huit mois de soins pour alcoologie. Après sa condamnation, Éric aurait été transféré à Fleury-Mérogis. Il y serait arrivé le samedi 12 novembre à 0h40. Le samedi après midi, il n’aurait pas voulu regagner sa cellule et y aurait été remis de force. Là, il aurait tout cassé. Un médecin et les pompiers seraient intervenus, selon les déclarations du substitut.
Dans une lettre écrite samedi, Éric déclare :
« (…)Le juge m’a dit que j’étais là pour quatre mois, mais si je ne fous pas le bordel j’en ai pour deux mois… Je ne bois plus une goutte d’alcool et je ne m’en porte pas plus mal. En prison, aujourd’hui samedi, ils me donnent des médicaments pour que ça continue (…) ». Ses parents ne comprennent pas le ton plutôt calme et raisonné de cette lettre qui ne cadre pas avec la suite des événements. Car Éric est retrouvé mort le dimanche 13 novembre à 7h du matin dans le quartier disciplinaire où il avait été placé.
Aujourd’hui la question demeure entière : de quoi et pourquoi Éric Blaise est-il mort ?

En revenant avec précaution sur l’affaire Eric Blaise, toujours en cours d’instruction, ce documentaire de « Sur les docks » mettra en lumière le nombre préoccupant de suicides en prison, révèlera la difficulté de mener une prévention efficace auprès des détenus, notamment mineurs, alors que les prisons sont dans un état « détérioré » comme le disent professionnels et associatifs. Quatre-vingts détenus se sont donné la mort depuis le début de cette année.
Selon la secrétaire générale de la CGT-pénitentiaire, Céline Verzeletti, le nombre de suicides en prison « reste excessif et cinq à six fois plus élevé qu’à l’extérieur ». Les chiffres disponibles concernent les seuls suicides et non les tentatives. On en recensait cent quinze en 2004, cent vingt-deux en 2005, quatre-vingt quatorze en 2006, quatre-vingt seize en 2007, selon la CGT. Céline Verzeletti constate « qu’on est loin » de l’objectif d’une baisse de 20% des suicides en cinq ans en milieu carcéral, inscrit dans le rapport gouvernemental de décembre 2003 rédigé par le psychiatre Jean-Louis Terra.
L’Observatoire International des Prisons (OIP) met en avant le cas des quartiers disciplinaires, où on note « sept fois plus de suicides qu’en cellules ordinaires », ainsi que « l’indigence » de la prévention chez les mineurs.
Un décret de la Ministre de la Justice Rachida Dati prévoit désormais que tout mineur condamné sur le point d’être placé en détention sera présenté au préalable à un magistrat du parquet qui lui expliquera les raisons pour lesquelles il entre en prison.
Un médecin intervenant en prison fustige le double discours de la garde des Sceaux, qui préconise « de s’occuper des détenus tout en les faisant entrer à la pelle en prison ». En 2003, le rapport Terra estimait déjà que « les possibilités d’amélioration sont limitées par la surpopulation carcérale », phénomène encore aggravé aujourd’hui. On dénombrait au 1er septembre 2008 soixante-deux mille huit cent quarante-trois détenus pour cinquante mille huit cent quatre-vingt une places…

Un documentaire de Simon Guibert et Yvon Croizier
Avec Sophie Baron-Laforêt, psychiatre ; Céline Verzeletti, secrétaire générale de la CGT-pénitentiaire ; François Besse, membre de l’Observatoire International des Prisons ;Elizabeth Fleury, journaliste au « Parisien » en charge de la justice ; Hafed Benotman, écrivain, ancien prisonnier.
Producteur coordonnateur : Alexandre Héraud
Producteur délégué : Simon Guibert
Réalisation : Yvon Croizier

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