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Archive pour décembre 2008

La prison de Fleury-Mérogis filmée clandestinement par des détenus

Vendredi 19 décembre 2008

Des détenus de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis (Essonne) ont réussi à introduire une mini-caméra et ont filmé pendant plusieurs mois, à l’intérieur de leurs cellules, dans les douches et dans la cour de promenade.

http://www.dailymotion.com/video/k4OECDFcqJbwASSJ4G

Vidéo parue sur LeMonde.fr le 18 décembre 2008.

Saint-Quentin-Fallavier : plus d’un mois passé dans une cellule non isolée du froid

Jeudi 18 décembre 2008

La section française de l’OIP informe des faits suivants :

 

Du 20 octobre au 25 novembre 2008, un détenu a été maintenu dans une cellule disciplinaire du centre pénitentiaire de Saint-Quentin-Fallavier (Isère) dont la fenêtre ne fermait pas et dans laquelle la température ne dépassait pas les 15 à 18°C en pleine journée. C’est ce qu’a pu constater un huissier dont le constat a été ordonné par le tribunal administratif de Grenoble.  

 

Le 2 décembre 2008, un huissier s’est rendu au centre pénitentiaire de Saint-Quentin-Fallavier dans la cellule du quartier disciplinaire (QD) qu’occupait F. B. depuis plus un mois. Il a constaté que la fenêtre en plexiglas « ne ferm[ait] pas sur environ 15 cm, dans sa partie basse ». Et relevé une température « variant de 15 à 18 degrés » au cours de l’après-midi. Placé au QD depuis le 20 octobre, F.B. s’était plaint à de nombreuses reprises, auprès de son avocat notamment, du froid qui régnait dans la cellule. Et pour cause : pendant le mois de novembre, Météo France avait prévu à plusieurs occasions des températures au dessous de 0°C pendant la nuit dans la région de Vienne, où est située la prison.

 

Contactée le 20 novembre, l’unité de consultations et de soins ambulatoires (UCSA) de l’établissement avait assuré à l’OIP que la fenêtre de la cellule concernée pouvait être close, que F.B. avait seulement « du mal à la fermer » et que des effets lui avaient été fournis pour qu’il ait chaud. Sollicitée dès le 9 juin 2008 en raison d’un signalement similaire de vitres cassées dans les cellules disciplinaires, la direction du centre pénitentiaire n’a, quant à elle, pas apporté de réponse aux interrogations de l’OIP. Lors d’une inspection de l’établissement les 26 et 27 octobre 2007, les services de la DDASS avait pourtant relevé que les cellules du QD n’étaient « pas en bon état ».

 

F.B. avait été initialement placé au QD pour 45 jours. Le 25 novembre, compte tenu de la situation, l’avocat de celui-ci avait demandé qu’un huissier soit désigné en urgence par le tribunal administratif de Grenoble afin de constater les conditions de détention imposées à son client. La sanction, dont le terme était fixé au 4 décembre, a été levée le jour-même par l’administration pénitentiaire.

 

 

L’OIP rappelle :

 

– qu’aux termes de l’article D 350 du Code de procédure pénale, « les locaux de détention, et en particulier ceux qui sont destinés au logement, doivent répondre aux exigences de l’hygiène, compte tenu du climat [...] » ;

 

– que pour la Cour européenne des droits de l’homme, les conditions de détention ne doivent pas soumettre « l’intéressé à une détresse ou une épreuve d’une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention » (CEDH, 26 octobre 2006, Kudla c. Pologne).  

Communiqué de l’OIP paru le 5 décembre 2008.

Devant le miroir. La télévision en prison

Jeudi 18 décembre 2008

La télévision a fait son entrée dans les cellules des détenus français en décembre 1985. L’amendement ayant permis cette situation n’avait à l’époque pas été accueilli favorablement par le grand public, qui reprochait aux autorités la transformation des centres pénitentiaires en « prisons quatre étoiles ». Aujourd’hui, regarder la télévision en prison est devenu une occupation banale dans la vie quotidienne des cinquante-cinq mille détenus en France.

Le temps
En détention, la question du temps est centrale. Il existe des décalages importants au niveau de la perception du temps, que ce soit entre individus, ou entre le « dedans » et le « dehors ». Le temps est réglé : les repas du midi et du soir doivent être espacés d’au moins six heures, la durée de la promenade (non obligatoire) est d’au moins une heure par jour, la durée de l’enfermement de nuit ne doit pas dépasser douze heures, l’extinction des lumières est obligatoire pour les mineurs les soirs de diffusion de films pornographiques à la télévision… Mais la question essentielle, qui n’est pas toujours posée, est : « Que faire de ce temps ? »…
« Comment est-ce que je vais passer ce temps, cette peine ? Ici, je me retrouve face à moi-même. Il faut profiter de ce temps obligé pour faire une analyse de moi-même. Or, la télévision n’arrange pas ce coup-là. La télévision c’est avant tout du brouillage de la réalité » A. M., La Santé
La télévision est indiscutablement un instrument à faire passer le temps : son introduction a fait baisser la violence et la consommation de médicaments. On pourrait facilement en déduire qu’elle contribue à l’abrutissement des détenus : on ne peut pas négliger le fait que sa présence permet aux surveillants, un corps de métier difficile et désabusé, de travailler avec plus de sérénité – même si, pour les personnes incarcérées à plusieurs en cellule (70 % des cas), les désaccords sur les programmes à regarder sont fréquents. Mais la télévision aide-t-elle à purger sa peine ? « En ce qui me concerne, j’ai passé 24 ans de ma vie en prison. Donc, j’ai connu avant la télévision et après la télévision, » explique B. L., détenu à la prison de la Santé et membre d’un atelier audiovisuel expérimental. « Avant la télévision, c’était une heure de promenade par jour ; le courrier, le sport, un peu de lecture. Tout était rythmé par les repas, la distribution du courrier et la solitude…Chacun avait sa façon face à la solitude. […] Pour moi, à cette époque, j’avais l’impression que les journées étaient très courtes. J’avais l’impression de faire les journées plus facilement que maintenant. Maintenant, avec la télévision, j’attends toujours quelque chose. J’attends les informations, j’attends le film du soir. Même si la prison semble plus souple maintenant, les journées semblent plus longues. »
Cette télévision qui fait si bien passer le temps, le fait passer passivement. Les journées s’enchaînent et avec elles, l’impression de n’avoir aucune prise sur le temps. Les mêmes problématiques me direz-vous que pour des personnes non détenues ! Faciliter sa peine en prison, c’est rentrer dans les règles, au point souvent de l’infantilisation totale ; et pour se « normaliser », quoi de mieux que la télévision ? « La télévision essaie d’adoucir le dispositif carcéral en offrant une espèce d’évasion. Mais cette évasion-là c’est un leurre […] La télévision normalise ma pensée, enferme ma pensée dans des rails bien précis. » A. M., La Santé

L’accès à la télévision
En prison, rien n’est gratuit. Par conséquent, si une personne détenue souhaite regarder la télévision, elle doit louer un poste. Le tarif est variable d’un établissement à un autre : compris entre 12 et 46 euros par mois, il est supérieur à ce qui se pratique « à l’extérieur ». Parmi les achats, la télévision représente le troisième poste de dépenses des détenus (soit plus que les dépenses consacrées à l’hygiène (1)). L’accès aux programmes diffusés (chaînes hertziennes et Canal+ si le détenu s’y abonne) ne subit aucune restriction de contenu : les détenus sont autorisés à regarder les programmes de leur choix.

La réinsertion
Près de la moitié des détenus condamnés en France sont emprisonnés pour des peines supérieures à 5 ans. En 5 ans, sans avoir d’acquis ou d’expériences positives et utilisables, on peut imaginer sans trop s’avancer que le retour à la vie du « dehors » peut facilement être catastrophique.
Quand on pense qu’en moyenne, les détenus ont en France un niveau scolaire équivalent au primaire, cela constitue une indication importante sur la nécessité de la formation. Au-delà de la dimension symbolique de la privation de liberté, de la notion de réparation envers les parties civiles et de la mise « hors d’état de nuire » des personnes « dangereuses », la réinsertion des personnes incarcérées, qui devront un jour ou l’autre trouver leur place dans la société, est peut-être la seule et unique justification réelle du système pénitentiaire. La passivité qu’induit la télévision est-elle en fait un frein supplémentaire à la réinsertion ? Il est demandé aux directeurs de prison de veiller à ce que l’usage de la télévision ne constitue pas un obstacle à la bonne marche des ateliers de travail ou de formation, ni à la fréquentation des cours d’enseignement et autres activités. Mais, comme l’explique un surveillant : « Il y a peu de détenus qui suivent des formations. Par exemple, la prison d’Alsace regroupe environ 3900 détenus. Un tiers suit une formation, qui n’est obligatoire que pour les mineurs de moins de 16 ans. Les détenus travaillant, ne peuvent pas suivre une formation, à cause des horaires. De plus, le travail est mieux rémunéré que les formations. » Dans les faits, l’administration pénitentiaire est dépassée par la réalité de la réinsertion (qui n’est d’ailleurs pas une priorité dans un certain nombre d’établissements) et par les lourdeurs administratives – la télévision fonctionne alors comme un palliatif.

Dedans/dehors
La fenêtre sur l’extérieur que constitue la télévision permet aussi de préserver un lien avec l’extérieur, mais de quel lien s’agit-il ? Pour les longues peines, cette question est essentielle, car une personne emprisonnée pendant plusieurs années aura suivi, même passivement, les évolutions de la société – le décalage sera donc minimisé. L’Internet, la musique, la politique, le passage à l’euro… La télévision donne accès à une multitude d’informations sur ce qui se passe dehors et peut aussi tout simplement être un sujet commun de conversation avec ses proches : « Je suis quelqu’un qui ne connaissait pas la télévision avant d’être en prison […] Maintenant, à cause de la prison, la télévision est devenue quelque chose qui permet de communiquer avec l’extérieur. On en discute, ça peut être des films ou un reportage ou autre chose ? » F. T., La Santé
Mais si la télévision, excepté les proches, est le seul lien avec l’extérieur, quelle représentation peut-on garder de la société ? Au mieux, des tranches de vie, des rencontres, des analyses, du divertissement. Au pire, les informations représentant la tolérance zéro, la survalorisation du travail, l’éloge de la société de consommation, tout ce qui peut marginaliser encore plus ceux qui le sont déjà. Ou encore la télé réalité, une caricature de la vie : quel paradoxe que de regarder une émission comme Loft Story en détention. L’incarcération serait-elle un jeu ? Ne nous trompons pas… « Les lofteurs sont surveillés en permanence, c’est vrai, mais je n’ai jamais vu de lofteur se prendre un rapport d’incident et aller au mitard… Les couples se forment, comme en prison, mais prennent-ils le risque d’être séparés ? Au moins les lofteurs ont le choix entre les garçons et les filles… » A. C., Rennes
De même pour l’image qu’on projette de la personne incarcérée, que ce soit par le biais de fictions ou d’informations. Car les détenus qui peuvent s’exprimer à la télévision le font dans des conditions contraignantes : manque d’habitude (tout comme la plupart d’entre nous) de ce média impressionnant – les réalisateurs se concentreront donc sur ceux qui peuvent s’exprimer clairement. Inquiétude également des retombées de ce qu’ils peuvent dire sur le reste de leur peine. Entrent en jeu surtout les nombreuses contraintes administratives ; par exemple, même s’ils sont d’accord pour être filmés, on est désormais pratiquement systématiquement obligé de masquer le visage des détenus.
La prison est un marronnier de la télévision, les détenus de « bons clients ». Mais la majorité des sujets relate difficilement la vie en détention : dans de nombreux films on n’aborde l’enfermement que de manière superficielle, l’idée même de ce temps qui passe lentement étant incompatible avec le rythme effréné des formats télévisuels.

Action
La télévision peut être un anesthésiant, mais il serait évidemment trop facile de la condamner sans appel et trop naïf de lui attribuer les maux qui sont inhérents au système carcéral et au contexte social. La télévision, la caméra, peuvent être des outils puissants en milieu fermé et il existe des canaux internes dans un certain nombre d’établissements, aussi bien que des expériences audiovisuelles intéressantes, notamment avec des ateliers sur la télévision permettant de transformer cet outil passif en un instrument d’expression. En 1983, sur une idée du réalisateur et enseignant de cinéma documentaire Alain Moreau, les « Vidéolettres » apparaissent à la Maison d’arrêt de La Santé à Paris. Ces correspondances permettent aux détenus de communiquer avec leurs proches grâce à des réalisations vidéo, de s’exprimer sur leur vie en prison. Cette initiative s’élargit en 1990 grâce à l’ouverture de huit centres de ressources audiovisuelles en prison, parmi lesquels celui de la Maison d’arrêt de La Santé, qui se dote d’un matériel audiovisuel de production. L’administration de la prison autorise la diffusion, sur le canal interne, de programmes réalisés par les détenus encadrés par une équipe de professionnels de l’audiovisuel. Cette télévision locale interne, Télérencontres, diffuse en moyenne six heures de programmes par jour. L’aventure continue à La Santé, mais aussi au Centre Pénitentiaire de Marseille-les Baumettes, où des modules de formation audiovisuelle sont proposés aux détenus.

Les questions que soulève l’incarcération physique en appellent d’autres sur l’enfermement de la pensée dans des « formats ». Certes, la télévision est un outil formidable si on connaît ses contraintes et si on a une chance d’accéder, ne serait-ce qu’à un petit niveau, au pouvoir qu’elle détient. En ce qui concerne les détenus (ou devrais-je tout simplement employer la dénomination de « critiques télévisuels ») cités dans cet article, ils prouvent que des actions sur ce média peuvent déclencher de véritables réflexions et provoquer un écho sur nos comportements de personnes libres. Libres de regarder, de critiquer et d’éteindre. A moins que nous ne soyons tous des prisonniers de la télé…

(1) Certains détenus travaillent (pour la plupart, il s’agit de travaux d’ouvriers payés entre 3 et 5 euros de l’heure), d’autres suivent des formations rémunérées, et d’autres n’ont aucune activité. 50 % des revenus (qu’il s’agisse des revenus du travail ou d’éventuelles allocations) sont consacrés aux achats, 10 % sont réservés aux parties civiles, 30 % retenus par l’administration pour « frais d’entretien » et 10 % réservés au « pécule de sortie ».

Les citations sont extraites d’un document non publié : Télévision en prison, rédigé par Maryse Borettaz, Gérard Leblanc et Alain Moreau dans le cadre du protocole interministériel Culture/Justice en 1999. Ce document rend compte des expériences télévisuelles à la prison de La Santé à Paris. Les personnes citées ont toutes participé aux ateliers audiovisuels de la prison.

Article de Kate Fletcher et illustrations de Julien Grataloup, paru sur L’Oeil électrique.

 

Les femmes ont une sexualité, même en prison

Vendredi 12 décembre 2008

Lors d’un entretien récent avec la sociologue Myriam Lauf-Joël sur Rue69 concernant l’accouchement de Véronique Le Gall en prison, nous avions évoqué la sexualité des femmes détenues. Nous revenons aujourd’hui plus précisément sur cette sexualité, « d’autant plus occultée » selon la chercheuse, qu’elle est vue comme « moins pulsionnelle que celle des hommes ».

 

Camille: Il peut donc exister une sexualité pour les femmes en prison?

 

Myriam Lauf-Joël: On est en présence d’un véritable flou autour de la sexualité carcérale, puisqu’il n’y a qu’un article juridique assez vague à ce propos: « Constitue une faute au deuxième degré, le fait d’imposer à la vue d’autrui des actes obscènes ou susceptibles d’offenser la pudeur. » (Article D249-2-5 du Code de procédure pénale).

 

Cette imprécision fait que chaque établissement, et même chaque membre du personnel, doit se débrouiller pour gérer les situations à caractère sexuel, ce qui peut évidemment créer des tensions entre eux s’ils n’en ont pas la même vision.

 

Vous distinguez trois logiques sexuelles pour les femmes?

 

Oui, pour résumer, les détenues se partagent en trois types de logiques (évolutives évidemment et schématiques), elles-mêmes essentiellement liées à la sexualité précarcérale et au rapport à la détention:

  • Des femmes déclarant n’avoir aucune pratique sexuelle

Dans le cadre de leur détention, que ce soit en terme d’homosexualité avec d’autres détenues, de masturbation solitaire ou avec le partenaire au parloir. Elles disent que les pratiques sexuelles ne leur manquent pas, qu’elles ne ressentent aucun désir et qu’elles n’y pensent pas.

 

Cette absence de pratiques érotiques renvoie à trois facteurs explicatifs:

  • certaines de ces femmes sont inscrites dans une « désorientation intime » désignant la sexualité érotique comme un problème, en raison de relations aux hommes très douloureuses dans leur passé (viols, violences conjugales…);
  • ces détenues ont complètement intériorisé l’interdit sexuel;
  • elles sont dans un rapport à la détention excluant toute éventualité de plaisir sexuel. Soit que la détention est tellement mal vécue qu’elle exclut toute idée de plaisir tout court (et la sexualité apparaît alors uniquement comme un élément de la vie pré- ou post-carcérale). Soit que les femmes décident de s’en servir pour reprendre la maîtrise de leur corps sur des substances telle que la drogue ou l’alcool, objectif surdéterminant concourant à la mise entre parenthèses du plaisir sexuel.
  • Des femmes qui aimeraient avoir des pratiques sexuelles mais qui n’en ont pas.

Les pratiques de masturbation solitaire et d’homosexualité avec une autre détenue sont d’emblée exclues du champ sexuel possible, car pour ces femmes la sexualité s’inscrit exclusivement dans le cadre du couple et des sentiments (avec une personne connue hors détention).

 

Du fait, de ce profond enchevêtrement de la sexualité avec des représentations très strictes d’affectivité et d’intimité et des caractéristiques contraignantes du parloir (ponctualité, exiguïté, temps limité, proximité avec d’autres personnes, surveillance, etc.), ces femmes n’ont aucune pratique sexuelle en ce lieu, jugé inadapté car renvoyant dans leur esprit à une insupportable autonomisation des comportements par rapport aux significations qu’elles y attachaient.

 

Elles préfèrent renoncer plutôt que de « sacrifier » leurs habitudes sexuelles.

  • Des femmes investies dans une sexualité carcérale

Que ce soit dans le cadre d’activités sexuelles au parloir et/ou de relations homosexuelles en détention. La détention est considérée comme un passage décisif dans leur vie, mais en plus, et c’est en cela qu’elles se distinguent des femmes du deuxième type, elles ont accepté le fait que la « case prison » puisse avoir des incidences sur leur vie.

 

La détention n’est plus considérée comme une parenthèse durant laquelle on s’imperméabilise et que l’on mettra de côté une fois sortie pour reprendre sa vie d’avant la détention, mais au contraire comme une période où va se jouer la reformulation de son identité.

 

Pour accepter cette redéfinition de soi et de ses pratiques, il faut du temps, et cela ne se fait pas sans heurts (certaines détenues hétérosexuelles ayant eu des relations homosexuelles m’ont dit par exemple se sentir sale).

 

Il y a, très progressivement une « carcéralisation » de leur façon de vivre leur sexualité.

 

Pour les femmes qui ont une sexualité, le rapport au sexe est transformé par la prison?

 

La sexualité est pour presque tout le monde naturalisée: elle apparaît comme un fait uniquement biologique et psychologique, renvoyant à deux réalités différentes selon que l’on est un homme ou une femme, mais sa dimension sociale est complètement occultée, et je dirais même qu’elle paraît parfois illégitime.

 

Le problème, c’est que même certains sociologues ne parviennent pas à dépasser cette vision, et lorsque l’on parle de la sexualité en prison, on a donc presque toujours affaire à des travaux saturés du mot « pulsion » et « besoin ».

 

On est en présence de l’hypothèse sexologique selon laquelle les pratiques sexuelles au parloir et l’homosexualité apparaissant après un certain temps d’incarcération renverraient à la satisfaction de pulsions trop longtemps contenues.

 

Si effectivement ces pratiques semblent apparaître au bout d’un temps relativement long d’incarcération, pour ma part je pense que ce n’est pas en raison de la nécessité d’une « décharge sexuelle » trop longtemps réprimée, mais d’une transformation personnelle, progressive et souvent douloureuse, des pratiques et représentations sexuelles. La prise en compte du temps n’est pas à faire en terme de frustration mais au contraire en terme d’adaptation.

Article de Camille paru sur Rue89.com le 1er décembre 2008.

ciné-débat à Grenoble le 9 decembre

Lundi 8 décembre 2008

ciné débat au lokal autogéré, 7 rue Pierre Dupont (proche Vallier-Jaurès). la projection commence à 19h30.
Deux films sont proposés ce soir:

 

9m2 pour deux de Jimmy Glasberg et Joseph Cesarini
Les détenus sont tour à tour devant et derrière la caméra pour retracer le quotidien en détention. Le film est une sequence de petites scènes de vie où les détenus se mettent à nu pour aborder différents thèmes tels que la »convivialité forcée », les conflits, les parloirs, etc…
Libérables de Deniz Erguven.

 

A paris une équipe propose à des personnes sortant de prison de les amener à l’endroit de leur choix. Dans la voiture la conversation s’amorce autour de plusieurs thèmes: réinsertion, liberté, vie quotidienne, etc…
La projection sera suivi d’un débat avec les bénévoles autour des questions de vie en détention, réinsertion et récidive.

 

 

La citoyenneté en prison

Mercredi 3 décembre 2008

Le 22 Novembre 2008, le GENEPI a organisé une Soirée thématique sur la Citoyenneté en prison, en présence d’Eric Jayat de l’association Axès Libre et Michel Mérigot de la Ligue des Droits de l’Homme.

Le droit de vote en détention :

http://www.dailymotion.com/video/k23JO3acyQvUIpRhch 

Le droit d’expression en détention :

http://www.dailymotion.com/video/k26rSah1mwOMvJRh7B 

Le droit d’association en détention :

http://www.dailymotion.com/video/k53BL1esk2jYSVRhch

Horreur dans les prisons françaises

Mercredi 3 décembre 2008

Dans ce texte issu d’un article d’Olivier Bertrand, c’est toute la politique carcérale qui est remise en question, et en fait c’est tout le système dans lequel nous sommes qui est remis en cause. Par conséquent nous sommes nous-mêmes entièrement remis en cause, alors que nous aurions tort de mettre tout sur le dos de ceux qui le subissent, et qui peuvent apparaître comme des monstres, à l’intérieur des prisons.

Vincent, 53 ans, a été condamné à deux ans de prison ferme d’abord à Saint-Paul à Lyon, et ensuite à Villefranche-sur-Saône. Il raconte ces deux années de cauchemards que l’on a du mal à imaginer.

« J’ai été incarcéré le 27 juillet 2006 à Saint-Paul, raconte-t-il. Lorsque vous arrivez, vous laissez votre pécule à l’entrée, mais toute la prison sait immédiatement que vous avez de l’argent. J’avais 1500 euros. Je me suis retrouvé dans une cellule de deux, où nous étions cinq en tout. Le premier soir, il ne s’est rien passé. Le lendemain, le plus âgé est resté dans la cellule avec moi pendant que les autres allaient en promenade. Il m’a dit : « Si tu veux être protégé, tu devrais te mettre avec moi, tu éviteras les ennuis. » J’ai fait la bêtise d’accepter. On a fait ça, puis les autres sont remontés de promenade et il leur a raconté, en arabe. Après, ils m’ont violé pendant quatre jours et obligé à cantiner pour eux, à commander des cigarettes. Ils menaçaient de faire des tournantes dans les douches si je refusais. L’auxiliaire d’étage a fini par prévenir le directeur et j’ai été transféré à Villefranche, où j’ai été hospitalisé pendant dix jours. »

 

Vincent n’a pas porté plainte. Par peur des représailles, explique-t-il. Les viols à Saint-Paul doivent cependant être évoqués le mois prochain devant la commission plénière du comité européen pour la prévention de la torture du Conseil de l’Europe.

 

A Villefranche, Vincent a été placé dans un bâtiment où l’on regroupait les détenus incarcérés pour des affaires de mœurs. « Mais ils ne voulaient pas être comparés à moi, poursuit-il. J’étais trop efféminé. Ils ont détourné vers moi l’attention des jeunes Arabes qui s’en prenaient à eux. En prison, il y a un amalgame complet, pédé veut dire pédophile. Ils me traitaient comme un violeur d’enfants. Certains gardiens me désignaient en me parlant au féminin, en m’appelant « la blonde ». »

 

Brimades et agressions auraient duré plusieurs mois. L’administration aurait refusé un placement à l’isolement parce qu’elle le jugeait « vulnérable », elle craignait un suicide. « En prison, plus les gens sont jeunes, plus ils sont violents, décrit Vincent. Parce qu’ils ont peur. La nuit, vous entendez les cris de ceux qui se font violer. Personne ne dénonce, par peur des représailles. » Lui aurait régulièrement subi des agressions, jusqu’à une tentative de suicide, en juillet 2007. « On m’a alors laissé tout seul dans une cellule quelque temps. Je ne sortais pas, je n’allais pas aux douches, pas en promenade, pour ne pas être agressé. Je me repliais sur moi-même. » Un jour qu’il allait voir le psy, un détenu lui aurait écrasé sa cigarette près de l’œil. « Brûlure de cigarette par écrasement sur le bord externe de l’œil gauche », relève un certificat médical du 1er février 2008.

 

Un codétenu a ensuite été placé avec lui, en mars. Un type qui suivait, selon lui, « un traitement lourd », et se revendiquait du Front national. « Il disait qu’il ne voulait être ni avec des gris, ni avec des pédés. » Les coups auraient duré trois semaines dans le huis clos de la cellule. L’homme l’aurait forcé à porter une étoile rose avec son numéro d’écrou. Il l’aurait brûlé entre le pouce et l’index, avec un ciseau chauffé au briquet. Il montre la cicatrice. Le 6 avril, le service médical a noté les « volumineux hématomes » et prévient le directeur. Vincent avait perdu six kilos.

Il a fini par écrire. A des journaux, à la Haute autorité de lutte contre les discriminations (Halde), qui a saisi l’Inspection générale des services pénitentiaires. « J’ai aussi contacté le contrôleur général des prisons et j’ai tout raconté. C’est lui qui a exigé que je sois placé à l’isolement. » Vincent sortait d’une grève de la faim, il avait encore perdu douze kilos. Puis l’un de ses voisins de cellule s’est suicidé.

Ces dernières semaines, la maison d’arrêt de Villefranche a connu deux suicides par pendaison et un homme est dans le coma après une ingestion de médicaments [1]. Vincent, lui, est sorti samedi. Avec 1,88 euro en poche. Un médecin de l’unité de consultation et de soins ambulatoires l’a conduit aux urgences psychiatriques. Il a été transféré dans un autre hôpital. Il s’y repose. « Je ne sais pas si j’aurais la force de revivre, dit-il. Je voulais témoigner en sortant pour qu’on ne laisse plus faire ça. »

 

Texte issu d’un article d’Olivier Bertrand paru dans Libération du 23/10/08.

Quelques extraits de réactions et témoignages à la suite de l’article :

 

« Je sors de 4 mois et trois semaines de Fleury Merogis. 56 ans. J’ai perdu 24 kilos… les hurlements chaque nuit sont inimaginables. »

 

« Le plus terrible, c’est que tout le monde le sait et que rien ne bouge. 3 hommes dans neuf mètres carré pendant des mois voire des années, ça ne peut pas bien se passer. »

 

« Révoltant effectivement. Mais cela n’empêche pas les tribunaux de continuer à condamner à tour de bras : il y a quelques jours, une peine de 2 mois de prison ferme prononcée par un tribunal de l’Ouest de la France pour « outrage à force de l’ordre ». Incarcération immédiate. »

 

« Je sors de 40 jours de prison à Saint Paul. Batiment H. Ce que dis cet homme c’est vrai. J’ai vu des scènes de tortures, des détenus forcés à boire de l’eau de javel, des rackets. Au bout d’un moment on ne sort plus en promenade de peur d’être le prochain. Après 3 semaines j’ai été placé avec un autre blanc en cellule, ça faisait 3 mois qu’il ne prenait plus de douche par crainte de… rien que d’écrire ces lignes me fait pleurer… »

« A quoi servent les murs des prisons ? A « protéger » la société des criminels ? Ou à créer encore plus d’horreur et de délinquance ? »

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CONTRE TOUTES LES PRISONS

 

VENEZ DIRE QUE NOUS NE LES OUBLIONS PAS

Lundi 8 décembre à Lyon :
Faites la lumière sur les morts en détention

 

Rendez-vous à 17h30 devant le Palais de Justice

(rue Servient / rue Moncey Lyon 3e)

et à 19h devant la prison Saint-Paul

(35, cours Suchet Lyon 2e)

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contact : faiteslalumiere@no-log.org

Article publié lundi 24 novembre 2008 sur Rebellyon.info.

Prison : de « graves lacunes » ont conduit à un suicide à Meyzieu

Mardi 2 décembre 2008

La Commission nationale de déontologie et de sécurité (CNDS) a dénoncé, mardi 25 novembre, de « graves lacunes » dans la gestion de l’établissement pour mineurs (EPM) de Meyzieu (Rhône) qui ont conduit au suicide du jeune Julien, 16 ans, le 2 février 2008 – celui-ci avait été déclaré décédé le 4 février.

L’avis de la CNDS retrace les alertes qui n’ont pas été suffisamment prises en compte depuis l’arrivée de Julien à Meyzieu, le 17 décembre 2007. « Le 4 janvier 2008, alors qu’il a déjà fait trois tentatives de suicides depuis son arrivée il est placé à l’unité 5, dite de confiance, où il n’y avait pas d’éducateur », constate la CNDS. Dès après son arrivée, il a alterné séjours à l’hôpital et à l’EPM. Il a même été réintégré à deux heures du matin, après une double tentative de suicide. A partir du 26 janvier, après avoir incendié sa cellule, il est « consigné dans sa cellule sans aucune activité. La télévision retirée, la fenêtre bloquée, la lampe de sa cellule neutralisée ».  

La CNDS se dit « indignée » d’une note du directeur de l’établissement adressée à Julien : « Vous êtes fortement incité à travailler autour de la question du suicide. » Pour la CNDS, il s’agit d’« une faute que le bon sens et un peu d’humanité auraient dû permettre d’éviter ». Les nombreuses alertes sur la situation de Julien n’ont jamais donné lieu à des réunions, ce qui constitue une autre « faute », du directeur et de la directrice des services éducatifs.

La mort de Julien, par pendaison, était le premier suicide de mineurs depuis 2004. Depuis, deux mineurs se sont suicidés à la prison de Metz en septembre. La CNDS recommande la création d’une cellule d’information et de coordination qui puisse réunir tous les intervenants rapidement, en cas d’actes autoagressifs de mineurs.

L’EPM de Meyzieu a été inauguré en juin 2007. La CNDS relève des lacunes dans l’établissement : défaut d’installation électrique, absence de téléphone, nombre insuffisant d’éducateurs, etc. La CNDS dénonce « de nombreux dysfonctionnements d’ordre général entre les intervenants et des problèmes de conception dans la construction de l’établissement ».

Article d’Alain Salles paru sur LeMonde.fr le 25 novembre 2008.

 

L’affaire Eric Blaise : chronique d’un malaise

Mardi 2 décembre 2008

Emission Sur les docks (France culture) : Affaires à suivre (2/4)

Eric Blaise a été arrêté le mercredi 9 novembre 2005 à Epinay en compagnie d’un de ses frères et de deux copains. Ils avaient un peu bu et s’amusaient à tirer sur des canettes de bière vides à l’aide d’un pistolet à billes. Après les nuits chaudes des banlieues, des habitants avaient, semble-t-il, appelé la police. Le frère d’Eric et l’un de ses copains furent libérés après vingt-quatre heures de garde à vue. Éric et son copain passèrent en comparution immédiate après une garde à vue de cinquante heures : le copain fut condamné à trois mois de prison avec sursis et cinq ans de mise à l’épreuve ; Éric fut condamné à quatre mois de prison dont deux fermes et dix-huit mois de soins pour alcoologie. Après sa condamnation, Éric aurait été transféré à Fleury-Mérogis. Il y serait arrivé le samedi 12 novembre à 0h40. Le samedi après midi, il n’aurait pas voulu regagner sa cellule et y aurait été remis de force. Là, il aurait tout cassé. Un médecin et les pompiers seraient intervenus, selon les déclarations du substitut.
Dans une lettre écrite samedi, Éric déclare :
« (…)Le juge m’a dit que j’étais là pour quatre mois, mais si je ne fous pas le bordel j’en ai pour deux mois… Je ne bois plus une goutte d’alcool et je ne m’en porte pas plus mal. En prison, aujourd’hui samedi, ils me donnent des médicaments pour que ça continue (…) ». Ses parents ne comprennent pas le ton plutôt calme et raisonné de cette lettre qui ne cadre pas avec la suite des événements. Car Éric est retrouvé mort le dimanche 13 novembre à 7h du matin dans le quartier disciplinaire où il avait été placé.
Aujourd’hui la question demeure entière : de quoi et pourquoi Éric Blaise est-il mort ?

En revenant avec précaution sur l’affaire Eric Blaise, toujours en cours d’instruction, ce documentaire de « Sur les docks » mettra en lumière le nombre préoccupant de suicides en prison, révèlera la difficulté de mener une prévention efficace auprès des détenus, notamment mineurs, alors que les prisons sont dans un état « détérioré » comme le disent professionnels et associatifs. Quatre-vingts détenus se sont donné la mort depuis le début de cette année.
Selon la secrétaire générale de la CGT-pénitentiaire, Céline Verzeletti, le nombre de suicides en prison « reste excessif et cinq à six fois plus élevé qu’à l’extérieur ». Les chiffres disponibles concernent les seuls suicides et non les tentatives. On en recensait cent quinze en 2004, cent vingt-deux en 2005, quatre-vingt quatorze en 2006, quatre-vingt seize en 2007, selon la CGT. Céline Verzeletti constate « qu’on est loin » de l’objectif d’une baisse de 20% des suicides en cinq ans en milieu carcéral, inscrit dans le rapport gouvernemental de décembre 2003 rédigé par le psychiatre Jean-Louis Terra.
L’Observatoire International des Prisons (OIP) met en avant le cas des quartiers disciplinaires, où on note « sept fois plus de suicides qu’en cellules ordinaires », ainsi que « l’indigence » de la prévention chez les mineurs.
Un décret de la Ministre de la Justice Rachida Dati prévoit désormais que tout mineur condamné sur le point d’être placé en détention sera présenté au préalable à un magistrat du parquet qui lui expliquera les raisons pour lesquelles il entre en prison.
Un médecin intervenant en prison fustige le double discours de la garde des Sceaux, qui préconise « de s’occuper des détenus tout en les faisant entrer à la pelle en prison ». En 2003, le rapport Terra estimait déjà que « les possibilités d’amélioration sont limitées par la surpopulation carcérale », phénomène encore aggravé aujourd’hui. On dénombrait au 1er septembre 2008 soixante-deux mille huit cent quarante-trois détenus pour cinquante mille huit cent quatre-vingt une places…

Un documentaire de Simon Guibert et Yvon Croizier
Avec Sophie Baron-Laforêt, psychiatre ; Céline Verzeletti, secrétaire générale de la CGT-pénitentiaire ; François Besse, membre de l’Observatoire International des Prisons ;Elizabeth Fleury, journaliste au « Parisien » en charge de la justice ; Hafed Benotman, écrivain, ancien prisonnier.
Producteur coordonnateur : Alexandre Héraud
Producteur délégué : Simon Guibert
Réalisation : Yvon Croizier

Grenoble: Ciné-débat

Mardi 2 décembre 2008

A l’occasion de la sortie du film A coté, de Stéphane Mercurio le GENEPI Grenoble participe à un ciné-débat le 3 decembre au Mèliès, 3 rue de Strasbourg. La projection débutera à 20h30 et sera suivi d’un débat avec le GENEPI et la Ligue des Droits de l’Homme. reservation recommandée au: 04 76 47 99 31

 

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