Documentaire français de Stéphane Mercurio (1h32min).
Pas de cellule, pas de gardiens, encore moins de détenus. Juste des femmes qui attendent, qui se font belles, qui se remontent le moral, qui craquent parfois, espèrent toujours. Elles sont femmes de détenus, mères de détenus. Elles viennent une, deux, parfois trois par semaine, toutes les semaines pendant des mois, voire des années. Ces Pénélope des temps modernes vivent au rythme de leur homme à l’ombre. Un temps suspendu.
Elle va avoir 17 ans. Elle est mariée – enfin, selon les rites des gens du voyage, qui ne comptent pas pour l’administration. Alors, son mec emprisonné, elle n’a pas le droit de le voir. Peu importe : tous les jours, elle s’installe dans la petite maison d’accueil qui jouxte la prison de Rennes. Et elle lui écrit.
Une autre femme approche la soixantaine. Trente-neuf ans de mariage, dont trente et un de parloir. Les « bêtises » que son mari a accumulées les unes après les autres, elle ne les nie pas, mais ne veut pas en parler. « C’est sa vie, résume-t-elle, la mienne, c’est d’être à ses côtés… »
Ces femmes qui viennent le plus souvent possible voir leurs maris, leurs frères, leurs fils, emploient toutes les mêmes mots, simples, résignés : « C’est pas gai. » Ou, plus révélateur de leur écrasement : « C’est comme ça. » Certaines arrivent désespérées et s’en vont presque heureuses, parce qu’ « il » était bien. D’autres, qui affichent un sourire de commande, repartent complètement ravagées, parce qu’« il » était triste ou qu’« il » leur a fait la gueule… Elles ont toutes une histoire à raconter, à partager, et le regard attentionné de Stéphane Mercurio en fait soudain des héroïnes, révoltées et fourbues. En loques et pourtant indestructibles…
Les mômes à élever. L’argent à économiser. Et puis du temps à trouver coûte que coûte : trois heures de train ou de voiture pour trente minutes de parloir, c’est pas la joie. Encore moins quand il n’y a pas de parloir du tout, parce que celui qu’elles viennent voir a été transféré, sans avertissement préalable, bien sûr. Ou envoyé à l’hôpital. Pourquoi ? Impossible de le savoir, le personnel étant tenu au secret. Elles repartent alors, engluées dans une angoisse qui se dissipera, des heures, des jours après, avec l’arrivée d’une lettre ou du prochain parloir…
Ce sont juste des entretiens, une suite de témoignages comme on en a déjà beaucoup vu, mais si beaux, si déchirants qu’on en a les larmes aux yeux. Au fond, Stéphane Mercurio a tourné un mélo à la Douglas Sirk autour de ces prisonnières en liberté, en double peine, payant pour les fautes d’hommes qu’elles continuent d’aimer.
Critique de Pierre Murat parue sur télérama.fr le 1er novembre 2008.