Prenons nos prisons pour des réalités. Que dire de la situation carcérale en 2008 sinon qu’elle est explosive ? Bien sûr il ne faudrait pas gommer les diversités des situations, les efforts de rénovation, l’implication incroyable des professionnels pour faire tenir debout l’édifice mais il faudrait être aveugle pour ne pas voir que la vieille maison s’écroule.
Elle s’écroule sous le poids d’une insupportable surpopulation. On compte 64 250 personnes incarcérées au 1er juillet 2008 pour un peu plus de 50 806 places opérationnelles, un triste record pour la France. 16 412 personnes de plus qu’au 1er janvier 2001 ! Les maisons d’arrêt sont surpeuplées jusqu’à plus de 200% de leur capacité. Les détenus vivent à deux dans 9m², trois et parfois plus, dans 12m². Et ce, 22 heures sur 24. Cette situation est inacceptable pour la France : faire subir à des hommes des conditions de vie inhumaines et dégradantes est inconcevable dans une démocratie qui professe son respect des Droits de l’Homme. De la même façon, contraindre nos fonctionnaires, les agents de l’administration pénitentiaire, à travailler dans cette situation sans pouvoir rien faire ni dire est intolérable. Nous demandons que soit appliqué sans attendre le principe « une place pour une personne ».
La seule perspective proposée par le ministère de la Justice est la construction de places de prison supplémentaires. Construire ? Il s’agirait d’un travail sans fin : le fondement est de sable ! Opposons à la logique du construire plus pour incarcérer plus, la logique du construire mieux et incarcérer moins. Osons affirmer que la peine de prison est une peine d’une intense dureté, et qu’en conséquence, celle-ci doit-être l’exception. L’objectif d’une démocratie devrait être de réduire le nombre de ses établissements pénitentiaires.
La prison française n’est pas une miniature de notre société, elle en est un miroir déformant des inégalités et des faiblesses. 51% des personnes incarcérées n’ont pas de diplôme, le taux d’illettrisme est de 15%, le taux de personnes sans activité professionnelle lors de leur entrée en détention est de 55%. Les hommes, jeunes et pauvres, sont massivement représentés. Que n’a-t-on pas fait auparavant ?
Punir a un sens, celui d’apporter une réponse dans un cadre légal à la transgression du pacte social. Mais l’exécution de cette peine doit également en avoir un. Celle-ci doit être entièrement guidée par un objectif : celui de la réinsertion, retour à une vie responsable exempte de délit et de crime. Pour cela, deux solutions : d’une part l’individualisation de la peine, à l’inverse de ce qui est prévu par la loi du 10 août 2007 instituant des peines plancher et d’autre part, la mise en place d’un système pénal dans lequel la peine d’emprisonnement se déroule en milieu fermé pendant un temps puis en milieu ouvert.
Une loi pénitentiaire est attendue. L’avant projet de loi présente un patchwork de mesures permettant quelques timides avancées mais qui ne permettent toujours pas au droit commun d’entrer en détention. Nous faisons le vœu que les parlementaires puissent en faire bouger les lignes pour que cette loi soit une véritable déclinaison des règles pénitentiaires européennes. La loi doit pouvoir contribuer à rendre la prison transparente afin de permettre un contrôle du respect du Droit au sein des murs que la République a construits. Nous attendons beaucoup du nouveau Contrôleur Général des lieux de privation de liberté, nous espérons qu’il aura les moyens d’accomplir sa mission.
Tribune de Pierre Méheust (président du GENEPI en 2007-2008) et de Arnaud Philippe (président en 2008-2009), publiée dans La Croix le 4 septembre 2008.