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Le parcours ordinaire et dramatique de Manuel Lopez, mort à la Santé

Le 4 juillet 2005, Manuel Lopez s’était juré de ne plus revenir en prison. Ce jour-là, il bénéficiait d’une journée de permission pour entrer en contact avec un centre de formation, où il pourrait aller quelques mois plus tard, dans le cadre d’un aménagement de peine. Il n’avait plus que quelques mois à passer au centre pénitentiaire d’Avignon (Vaucluse). Il vivait ses dernières semaines d’« enfer ».

Mais tout s’est mal passé ce jour-là. Il est violemment frappé par un de ses codétenus, avant de sortir. Une photo prise peu après montre son visage tuméfié. Quand il se rend à ce rendez-vous, qu’il a fallu plusieurs semaines à mettre en place, son interlocuteur a eu un empêchement de dernière minute. Il faut tout recommencer, les papiers, les procédures. La peur, surtout, revient.

Ce jour-là, il décide donc de ne pas réintégrer sa cellule. Son avocate prévient le directeur de l’intention d’évasion de son client : « Depuis que l’homosexualité de M. Lopez a été révélée, ce dernier vit, selon ses propres termes, un enfer : il fait l’objet d’insultes quotidiennes émanant de détenus, auxquelles les surveillants témoins ne répondent que par une inertie convenue (…). Il ne supporte plus, alors même qu’il est éligible à un aménagement de peine à la rentrée, d’être ainsi malmené, dans un lieu où il n’est pas en sécurité. » Elle rappelle qu’il a fait une tentative de suicide en avril. Il va rester trois ans en cavale.

« APPEL AU SECOURS »

Lorsque Manuel Lopez arrive, le 6 mars 2008, à la prison de la Santé à Paris, en fin de matinée, il n’y reste pas longtemps. Des surveillants le découvrent vers 19 heures pendu avec un drap accroché aux barreaux de sa cellule. Il avait 27 ans. Et venait d’être interpellé, le 4 mars vers 17 heures, pour « violences volontaires aggravées » au cours d’une dispute avec son ami. La police découvre alors qu’il était recherché et en état d’évasion. Il est placé en garde à vue au commissariat du 18e arrondissement, avant d’être hospitalisé à l’Hôtel-Dieu.

Son dossier médical indique qu’il a pris quinze cachets de Lexomil avant la garde à vue. Il fait état de sa tentative de suicide en prison, geste interprété comme un « appel au secours ». Le lendemain, un autre docteur note qu’il « a redécoré sa chambre avec le plateau du petit déjeuner ». Le médecin précise : « A mon arrivée, boude comme un enfant, ne souhaite pas échanger de paroles. » Quand son père, Jean-Pierre Lopez, lit ces phrases, il comprend que son fils a décidé d’en finir. Il avait appelé plusieurs fois le commissariat du 18e pendant la garde à vue, pour alerter les policiers sur la fragilité et les tendances suicidaires de son fils. Son petit ami indique, en procès verbal, qu’il ne veut pas déposer plainte, en prévenant : « Il a déjà fait une tentative de suicide en prison il y a quelques années. » Aucun de ces signaux d’alerte n’a été transmis à l’administration pénitentiaire.

Manuel Lopez avait été condamné à trois ans de prison pour trafic d’ecstasy. « Il a fait des erreurs. Il a été jugé. Il aurait purgé sa peine si elle s’était déroulée dans des conditions humaines, explique son père. On ne rentre pas dans un endroit où l’on sait que l’on va être frappé. » Il vient de porter plainte contre X… pour non-assistance à personne en danger, après la décision du parquet de Paris de classer sans suite l’affaire. Manuel Lopez n’a pas été l’objet d’une surveillance particulière à son arrivée à la prison de la Santé. Les nouveaux arrivants sont reçus par une équipe médicale et la direction, à leur arrivée ou dans les vingt-quatre heures, dans le cadre des dispositifs de lutte contre le suicide, qui en ont fait baisser le nombre.

Manuel Lopez n’a pas eu le temps d’avoir ces rendez-vous. « Quelqu’un qui sort de l’Hôtel-Dieu après avoir absorbé quinze cachets doit bénéficier d’une surveillance spéciale en arrivant en détention », explique l’avocate du père, Marie Dosé. Sa fiche d’écrou mentionne seulement qu’il a été hospitalisé pendant sa garde à vue. Il est resté calme dans sa cellule. Vers 18 heures, il a demandé qu’on lui change sa télévision et qu’on lui donne une cigarette.

Manuel Lopez n’en avait pas tout à fait fini avec la justice. La procédure pour violence contre son conjoint a continué à prospérer dans le train-train de la justice ordinaire. Le 8 avril, un mois après sa mort, il a été condamné à un mois de prison avec sursis.

Article d’Alain Salles paru sur LeMonde.fr le 29 juillet 2008.

Une réponse à “Le parcours ordinaire et dramatique de Manuel Lopez, mort à la Santé”

  1. enzo dit :

    que dire…. suis degouté !!!!

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