Rachida Dati veut développer « la prison hors les murs »

Le projet de loi pénitentiaire a été soumis au conseil des ministres, lundi 28 juillet. Il sera débattu à l’automne. Très attendu, dans un contexte de surpopulation carcérale, il est critiqué pour ses insuffisances par les associations d’aide aux détenus et les syndicats de surveillants de prison, à l’exception de FO, pour son manque d’ambition. La ministre de la justice, Rachida Dati, défend son texte et répond à la gauche, qui avait renoncé à présenter un tel projet avant l’élection présidentielle de 2002.

Quels sont les principaux objectifs du projet de loi pénitentiaire ?

Nous proposons une nouvelle conception de la prison : une prison moderne, digne, et une nouvelle vision de la privation de liberté avec la prison « hors les murs ». Le fait de condamner, de sanctionner, de priver de liberté peut prendre d’autres formes que l’emprisonnement.

Aujourd’hui, l’objectif est de lutter contre la récidive par la réinsertion de la personne condamnée. Cela passe par le développement des aménagements de peines, grâce à la surveillance électronique et l’assignation à résidence des personnes en attente de jugement, mais également par la construction de prisons plus dignes. C’est aussi une loi qui concerne à la fois les personnels et les détenus. L’amélioration des conditions de vie des détenus permettra d’améliorer les conditions de travail de l’ensemble des personnels.

Comment cette loi va-t-elle lutter contre la surpopulation des prisons, alors que le nombre de détenus a atteint un nouveau record avec 64 250 personnes pour 50 806 places ?

La surpopulation est une réalité. Il ne faut pas prendre le problème à l’envers : nous devons d’abord assurer la sécurité des Français en condamnant les délinquants. Il y a une vertu à la fermeté : la certitude de l’exécution des condamnations est dissuasive. Le problème de la surpopulation a été mal anticipé.

Le premier programme d’ampleur a été entrepris par Albin Chalandon en 1987 avec la construction de 13 000 places. Entre 1997 et 2002, alors même que la délinquance augmentait, le nombre de places de prison a diminué de 4 %. En 2002, les constructions ont été relancées.

Un programme sans précédent de 13 200 nouvelles places est engagé, c’est-à-dire 63 000 places disponibles en 2012. Nous avons un objectif : qu’il n’y ait plus de surpopulation carcérale en 2012. Cet objectif sera atteint, d’une part, par la réalisation du programme de construction, et, d’autre part, par le développement des aménagements de peines tels que le placement sous surveillance électronique, la libération conditionnelle, la semi-liberté ou le placement extérieur.

Je rappelle qu’entre 2002 et 2007 il y avait en moyenne 2000 peines aménagées par an, avec des grâces collectives annuelles, une loi d’amnistie et des réductions de peines automatiques. Depuis 2007, la population pénale a certes augmenté, mais au 1er juillet 2008, nous avons plus de 6000 peines aménagées, et cela en l’absence de grâce collective et de loi d’amnistie, et avec la disparition du caractère automatique des réductions de peine.

Notre politique est de lutter contre la récidive en réinsérant les personnes détenues, et non pas de réguler la population carcérale par des sorties « sèches ». La loi pénitentiaire créera des nouveaux outils qui permettront d’améliorer la réinsertion des détenus de manière durable.

Il faut des moyens financiers et humains pour assurer la surveillance des 14 6000 personnes placées sous main de justice en dehors de la prison (contrôle judiciaire, sursis avec mise à l’épreuve, travail d’intérêt général, libération conditionnelle). Comment seront-ils assurés ?

La modernisation du système pénitentiaire sera intégralement financée. Les personnels, les constructions, les 12 000 bracelets électroniques. Déjà, le nombre de conseillers d’insertion et de probation (CIP) a doublé en cinq ans.

La loi pénitentiaire, qui donne de nouveaux droits aux détenus, permettra d’améliorer leur travail. Par exemple, le fait d’élire domicile pour le détenu dans son établissement pénitentiaire lui permettra d’effectuer directement des démarches administratives actuellement réalisées par les conseillers.

Il y a eu de nombreuses réactions de déception après la présentation de l’avant-projet de loi, notamment en ce qui concerne les droits accordés aux détenus, jugés insuffisants… Sur l’exercice des droits des détenus, nous partons de très loin. Cette loi consacre et organise l’exercice de nombreux droits pour les personnes détenues : élection de domicile au lieu de détention, accès aux prestations sociales, accès au téléphone, exercice du droit de vote, bénéfice d’une formation professionnelle. Une personne privée de liberté n’est pas privée de ses droits fondamentaux.

Cela n’avait jamais été fait auparavant, y compris par ceux qui nous critiquent aujourd’hui. C’est notre majorité qui a institué un contrôleur général des lieux privatifs de liberté. C’est le président de la République qui a nommé à cette fonction Jean-Marie Delarue, personnalité indépendante unanimement saluée.

L’idée d’un revenu minimum pour les prisonniers n’a pas été retenue, alors que vous sembliez y être favorable. Pourquoi ?

Nous sommes favorables à une aide ponctuelle, financière ou en nature, notamment pour les détenus les plus démunis, mais nous ne souhaitons pas l’instauration d’une mesure d’assistance généralisée. Je préfère donner la priorité à la réinsertion par le travail ou la formation professionnelle. Le travail est aussi un facteur de dignité.

Propos recueillis par Alain Salles, entretien paru sur LeMonde.fr le 28 juillet 2008.

Laisser un commentaire