C’est dans un climat tendu que la garde des sceaux, Rachida Dati, présente lundi 28 juillet, en conseil des ministres, son projet de loi pénitentiaire. La surpopulation carcérale a en effet atteint un niveau record au 1er juillet, avec 64 250 personnes pour 50 806 places dans les quelque 200 prisons françaises, soit un taux d’occupation supérieur à 126 %.
Engagement de campagne de Nicolas Sarkozy, ce texte, annoncé comme « fondateur » par la ministre de la justice, vise à mettre la France en conformité avec la réglementation européenne sur les droits des détenus. Surtout, afin de désengorger les prisons, il prévoit de développer les peines alternatives à l’incarcération, notamment pour les personnes en attente de jugement et les condamnés à de courtes peines. Le projet de loi prévoit de généraliser le bracelet électronique, qui existe depuis 1997. Son usage sera « ordonné » par le juge quand les peines sont inférieures ou égales à six mois de prison. Les aménagements de peine (semi-liberté, travaux d’intérêt général, etc.) seront étendus aux condamnés à deux ans de prison, au lieu d’un an actuellement.
« BELLE LOI »
Consulté pour avis, le Conseil d’Etat a demandé à ce que plusieurs articles du projet de loi soient scindés afin que les dispositions qu’ils contiennent soient davantage détaillées, mais n’a pas modifié ses principales dispositions. Le vice-président du Conseil d’Etat, Jean-Marc Sauvé, a même salué une « belle loi ». Reste que certaines modalités relatives aux aménagements de peine, aux droits des détenus ainsi qu’à leurs garanties disciplinaires ont été retirées du texte, les magistrats du Conseil d’Etat ont en effet estimé qu’elles relevaient de la voie réglementaire plutôt que de la loi.
Le projet laisse les syndicats dubitatifs. S’ils soutiennent le développement des alternatives à l’incarcération pour désemplir les prisons, ils restent perplexes sur leur mise en œuvre et reprochent au projet son manque d’ambition. Pour Jean-François Forget, de l’UFAP (Union fédérale autonome pénitentiaire), il se résume à « un toilettage » de mesures déjà existantes et n’est pas à la hauteur de la situation d’urgence dans les prisons. Christophe Marquès, numéro un de FO-Pénitentiaire, dit craindre « pour la sécurité des personnels et des détenus ». « Il n’y a pas aujourd’hui les moyens, en personnel notamment, de rendre ces mesures effectives rapidement », ajoute Céline Verzeletti, de la CGT-Pénitentiaire.
Le texte devrait commencer son parcours parlementaire en octobre au Sénat.
LES PRINCIPAUX POINTS DU TEXTE
Alternatives à la détention : le projet de loi crée l’assignation à résidence sous surveillance électronique pour diminuer le nombre de détentions provisoires. Les condamnés à des peines de prison de deux ans et moins pourront être l’objet d’un aménagement de peine s’ils présentent des garanties de réinsertion.
Droits des détenus : ils pourront élire domicile à la prison. L’accès au téléphone est généralisé. Ceux qui travaillent signeront un « acte d’engagement professionnel » avec la direction de la prison.
Régime de détention : le texte généralise un parcours d’exécution des peines, afin d’individualiser le régime de détention, en fonction de la personnalité, des efforts de réinsertion, mais aussi de la dangerosité. Le régime disciplinaire est légèrement assoupli. Un nouveau moratoire de cinq ans est adopté pour l’encellulement individuel, auquel le projet préfère le principe « un détenu, une place ».
Un serment pour le personnel : les personnels pénitentiaires prêteront serment, avant de prendre leurs fonctions. Ils devront se plier à un code de déontologie qui prévoit le respect des droits fondamentaux des détenus.
Article paru sur LeMonde.fr le 28 juillet 2008.