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L’encellulement individuel des prévenus différé de cinq ans

Le ministère de la justice a transmis lundi 9 juin, au Conseil d’Etat un avant-projet de loi pénitentiaire qui devrait être présenté au Parlement à l’automne. Le texte traduit des avancées importantes dans le développement des aménagements de peine, mais les associations sont déçues par le volet consacré aux conditions de détention. De nombreux articles renvoient à des décrets, destinés à préciser leur application.

Le projet de loi pose le principe de l’encellulement individuel pour les personnes en détention provisoire qui le demandent, mais pour aussitôt prévoir des dérogations. Elles peuvent être placées en cellule collective, « sous réserve que celle-ci soit adaptée au nombre de détenus qui y sont hébergés, et que les détenus soient reconnus aptes à cohabiter ». Mais surtout le texte prévoit de surseoir à nouveau à l’encellulement individuel pendant cinq ans « si la distribution intérieure des maisons d’arrêt ou le nombre de détenus présents ne permet pas \[son\] application ».

En 2000, les députés avaient rendu obligatoire l’encellulement individuel pour les prévenus, dans un délai de trois ans. En 2003, un nouveau délai de cinqans avait été voté, qui arrive à échéance le 13 juin. Le texte prévoit un nouveau délai à partir de la promulgation de la loi. Entre-temps, un décret devrait être pris par le gouvernement pour gérer les demandes des prévenus qui souhaitent être seuls. Les exceptions à l’encellulement individuel « en raison de la distribution intérieure des locaux de détention ou de leur encombrement temporaire » sont maintenues pour les condamnés.

Pour réduire la surpopulation carcérale, le gouvernement veut développer les aménagements de peines et notamment le placement sous bracelet électronique. Le projet de loi prévoit déjà de limiter le recours à la détention provisoire, en instituant une assignation à résidence, sous surveillance électronique, décidée par le juge, pour une durée maximum de six mois renouvelables. Le code pénal prévoira que l’emprisonnement ferme sera prononcé uniquement dans le cas où « toute autre sanction serait manifestement inadéquate ». La possibilité d’un aménagement sera systématiquement examinée pour toutes les peines inférieures à deux ans. Dans les faits, le développement des aménagements de peine se heurte aux déficits de travailleurs sociaux, en conflit avec l’administration pénitentiaire depuis plus d’un mois.

« DROITS FONDAMENTAUX »

Le texte inscrit dans la loi que « l’administration pénitentiaire garantit à tout détenu le respect des droits fondamentaux inhérents à la personne ». Il prévoit de considérer, à leur demande, l’établissement pénitentiaire comme le domicile des personnes détenues, pour leurs droits sociaux et leur inscription sur les listes électorales. Le projet de loi va généraliser l’entrée dans les prisons du téléphone, pour les prévenus comme pour les condamnés. Sauf s’il apparaît « que les communications risquent d’être contraires à la réinsertion du détenu ou à l’intérêt des victimes ». A défaut d’un contrat, le travail en détention sera régi par un « acte d’engagement professionnel ». Des minimums sociaux seront accordés aux détenus les plus pauvres.

L’encadrement du régime disciplinaire traduit une avancée, suivi d’un recul. Si le projet de loi reprend l’idée d’une échelle de 7, 14 et 21 jours pour le placement en cellule disciplinaire, c’est pour y ajouter une autre catégorie de 40 jours pour « tout acte de violence physique contre les personnes ». Le maximum est de 45 jours aujourd’hui. Les visites et les communications téléphoniques seront autorisées, ce qui n’est pas le cas actuellement.

Le régime de détention des détenus sera déterminé en fonction de « leur personnalité, leur dangerosité et leurs efforts en matière de réinsertion sociale et de prévention de la récidive ». L’introduction du concept de dangerosité, dont le flou a été dénoncé lors des débats parlementaires sur la rétention de sûreté, suscite l’inquiétude. Tout détenu arrivant fait l’objet d’un bilan de personnalité sur son état physique et mental, son éventuelle fragilité psychologique, ses aptitudes scolaires et professionnelles. Ce bilan est classé au dossier individuel du détenu. « C’est une violation du secret médical, explique Patrick Marest, délégué général de l’Observatoire international des prisons. Les informations sur la santé doivent rester dans le dossier médical du détenu. » « L’OIP rejette ce détournement de la loi pénitentiaire par l’administration pénitentiaire, poursuit-il. D’un côté, on garantit les droits fondamentaux et, de l’autre, on organise le fait que certains auront des droits et d’autres moins. » Pour la CGT, « la pénitentiaire va manquer son grand rendez-vous avec l’Histoire ».

Article d’Alain Salles paru sur LeMonde.fr mercredi 1 juin 2008.

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