La Campagne «Trop c’est trop», qui a été lancée depuis Lyon voilà près de deux ans, se bat contre la surpopulation carcérale, en exigeant le respect du numerus clausus. Elle organise une soirée ce lundi aux Bouffes-du-Nord à Paris. Cela s’appelle Numerus circus, avec des artistes comme les Têtes raides, Lo’Jo, Bertrand Tavernier, Marc Perrone, etc (1). Bernard Bolze, coordinateur de la campagne, explique le combat de cette dernière, et la faiblesse des mobilisations politiques rencontrées…
Comment résumer le combat mené par la campagne «Trop c’est trop» depuis janvier 2006 ?
C’est une campagne menée spécifiquement contre la surpopulation carcérale, en demandant le respect du numerus clausus, nombre clos, arrêté, pour chaque prison. Le terme a l’inconvénient de ne pas être compréhensible pour tout le monde, mais on peut le résumer ainsi : dans une place, une personne. C’est le droit à l’encellulement individuel, pour ceux qui le souhaitent. Cet angle d’attaque précis et ponctuel ne prétend pas traiter de l’immensité des problèmes qui se posent à la prison. Mais si le numerus clausus était respecté, un problème important serait réglé.
Cela peut aussi constituer un encouragement à construire de nouvelles places?
Il y a trois façons de faire respecter le numerus clausus. En limitant les incarcérations lorsqu’il n’y a plus de place. En faisant sortir des détenus proches de la fin de leur peine, par l’aménagement, souhaitables pour les victimes puisque les sorties sèches favorisent la récidive. Enfin en construisant d’autres prisons. Mais nous nous opposons à la construction de nouvelles places, nous avons toujours été clairs sur ce point. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faut pas remplacer les prisons les plus vétustes.
La campagne dure depuis plus de deux ans. La soirée d’aujourd’hui correspond-elle à une échéance précise ?
Oui, celle du 15 juin 2008. Au départ, les parlementaires avaient décidé, en 2000, qu’au 15 juin 2003, l’encellulement serait individuel. Puis, le 12 juin 2003, la France, prétextant n’avoir pas eu le temps de s’y préparer, l’échéance a été reportée au 15 juin 2008. Nous craignons que cette fois-ci encore, à la faveur d’un vote nocturne, il y ait un report. Ce ne sera jamais le bon moment pour faire appliquer le numerus clausus. Il n’y aura jamais assez de place. Donc le bon moment, c’est maintenant. Il faut une forte mobilisation, une forte attention publique, pour exiger cela.
Quels soutiens politiques avez-vous trouvés sur cette question ?
L’idée de la surpopulation carcérale et de ses effets est devenue un lieu commun, une réalité sue de tous, et rappelée régulièrement dans les médias. Mais elle n’envahit pas le quotidien, elle ne s’impose pas comme prioritaire. Peut-être parce qu’elle ne touche la société qu’à sa marge. Nous avons reçu beaucoup de soutiens politiques cependant. Ceux de Marielle de Sarnez (Modem), de Dominique Strauss-Khahn (PS), de Julien Dray (PS), de Christine Boutin (UMP), du Parti communiste, des Verts. Mais les élections se gagnant désormais sur des thématiques sécuritaires, nous n’avons pas réussi à faire vivre ce combat ces derniers mois. Pendant les présidentielles, la gauche a été très timorée sur cette question. La candidate Ségolène Royal a été abreuvée d’informations sur cette question, mais elle l’a délibérément laissée de côté . Elle n’a répondu à aucune de nos sollicitations.
Il y a cinq ans, votre campagne sur la double-peine avait réussi à convaincre Nicolas Sarkozy de faire voter sa quasi-disparition de la double peine. Quel écho avez-vous rencontré cette fois de l’Elysée ?
Il y a eu, je crois, une vraie perspective d’être entendu par l’équipe de Sarkozy, dans les huit ou dix premiers mois. Nous avions de bons contacts. Avant Noël, nous avons cru qu’il y avait la possibilité qu’il réalise un coup politique, comme il l’avait fait avec la double peine. Durcir la législation, avec notamment les peines plancher, et en même temps prendre la gauche de vitesse sur une question qu’elle aurait dû régler depuis longtemps. A présent, nous sentons que c’est trop tard. Le degré de déception dans l’opinion et surtout chez les parlementaires UMP est si fort, la défaite aux municipales si magistrale, qu’il n’osera plus franchir ce pas. Fragilisé, il ne peut réagir qu’en mettant la barre tout à droite.
Propos recueillis par Ol.B., article paru sur LibéLyon.fr.
(1) Nunerus Circus : Bouffes du Nord. 37 bis, Bld de la Chapelle, 75010 Paris. 20h. 14 euros. Le site de la campagne : www.tropctrop.fr
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