Archive pour avril 2008

Refondation de l’ordonnance du 2.2.1945 sur l’enfance délinquante

Mercredi 16 avril 2008

Rachida Dati, Garde des Sceaux, ministre de la Justice a installé, mardi 15 avril, la commission chargée de formuler des propositions pour réformer l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante, présidée par le recteur André Varinard. Les membres de la commission, dont les propositions sont attendues pour le mois de novembre, devront examiner plusieurs enjeux majeurs, tels que la cohérence des parcours pénaux des mineurs et l’instauration d’un seuil de responsabilité pénale.

Après avoir remercié l’ensemble des membres de la commission, [...] Rachida Dati a rappelé les raisons qui rendent nécessaire la réforme de l’ordonnance du 2 février 1945 relative à l’enfance délinquante. « L’ordonnance de 1945 est un texte fondateur mais il a perdu de sa pertinence et de son efficacité. Le mineur qui vivait en 1945 n’a rien à voir avec le mineur qui vit en 2008 » a expliqué le Garde des Sceaux.

Evoquant les 31 modifications apportées depuis 1945 à l’ordonnance au regard de l’évolution de la délinquance, le ministre de la Justice a souligné le fait que «tous ces changements positifs s’étaient faits sans vision d’ensemble et sans cohérence». Rachida Dati souhaite aujourd’hui mettre au cœur de la justice pénale des mineurs la notion de « parcours individuel » pour adapter la réponse pénale à la personnalité et aux actes de chaque jeune.

Le ministre a ensuite développé quelques perspectives pour la réforme de l’ordonnance. Le Garde des Sceaux a tout d’abord précisé que le projet de réforme ne devait pas se départir de la nécessaire portée éducative de la réponse pénale. « Cet équilibre constitue tout l’esprit de l’ordonnance de 1945 et a d’ailleurs été consacré par le Conseil constitutionnel comme principe fondamental reconnu par les lois de la République » a-t-elle rappelé.

Rachida Dati souhaite également que la commission réfléchisse à l’instauration d’un âge de responsabilité pénale. « Le code pénal prévoit que les mineurs capables de discernement sont pénalement responsables (…) Pour que les mineurs se sentent responsables de leurs actes, il faut qu’ils sachent à partir de quel âge ils risquent une sanction pénale » a-t-elle expliqué.

Insistant sur le fait qu’il fallait « aider les jeunes à sortir de la spirale de la délinquance », le ministre de la Justice a mis en avant l’importance de la cohérence et de la compréhension de la réponse pénale. Les distorsions existant aujourd’hui entre les différentes mesures applicables aux mineurs suivant leur âge entretiennent un sentiment de confusion et d’illisibilité. Une remise à plat de l’ensemble des mesures pénales et des sanctions permettrait un traitement adapté au parcours personnalisé du mineur.

S’inscrivant dans la continuité des précédents axes de réflexion évoqués, Rachida Dati a enfin insisté sur la nécessaire adaptation et la mise en cohérence de la procédure et du régime pénal applicables aux mineurs. « Il faut que la victime trouve sa place dans l’ordonnance de 1945 » a indiqué le Garde des Seaux. « Le mineur auteur de l’infraction est pour la justice une préoccupation essentielle, mais il faut aussi donner toute son importance à la victime » a poursuivi le ministre.

« Notre réflexion ira au-delà d’une simple actualisation de la législation. Nos propositions répondront au défi que pose à notre institution judiciaire la délinquance des mineurs souvent très jeunes, sans jamais oublier que, parce qu’il s’agit de personnes en devenir, la dimension éducative de la sanction doit toujours être préservée » a assuré le recteur André Varinard, professeur à l’université Lyon III et président de la commission.

« Je souhaite une réforme en profondeur, une véritable refondation de l’ordonnance de 1945» a conclu Rachida Dati. La commission devrait rendre ses travaux au Garde des Sceaux en novembre prochain.

Annonce publiée le 15 avril 2008 sur le site du Ministère de la Justice.

Le texte de l’ordonnance de 1945 dans sa version en vigueur, ainsi qu’une présentation de la justice des mineurs en France depuis 1945.

«Le décalage entre la loi et la pratique est trop large»

Mercredi 16 avril 2008

Thomas Hammarberg, chargé des droits de l’homme au Conseil de l’Europe :

L’Etat français vient d’être condamné pour non-respect de la dignité humaine en prison, une loi pénitentiaire est en préparation. Pensez-vous que la France doit encore évoluer sur la question des droits de l’homme en prison ?
Le problème en France est que les lois concernant les droits des personnes détenues ne sont pas mises en œuvre d’une façon satisfaisante. C’est pourquoi il était important que le ministère de la Justice propose de créer un Contrôleur général des lieux de privation de liberté, établi par la loi d’octobre 2007. Cependant, jusqu’ici, le Contrôleur n’a pas été nommé et les ressources qui lui seront allouées ne semblent pas être adéquates à l’étendue de ses activités. Le décalage entre la loi et la pratique est souvent trop large en France et devrait être comblé d’urgence.

Jean-Paul Costa, le président de la Cour européenne des droits de l’homme, a déclaré : «Le problème majeur pour les droits de l’homme en France me semble être celui des prisons.» Est-ce aussi votre avis ?
Il est incontestable que la prison est l’un des lieux où se posent le plus de problèmes de respect des droits de l’homme en France. C’est malheureusement aussi le cas dans d’autres pays européens. Ce qui me frappe à propos de la France c’est que bien que ce problème soit parfaitement connu, peu d’améliorations ont été apportées. Les associations nationales, les organisations non gouvernementales et les experts ont plusieurs fois dénoncé les conditions de vie dans les prisons. Au niveau international, des rapports critiques ont été publiés, et des recommandations spécifiques ont été adressées au gouvernement, comme par exemple par mon prédécesseur en 2005, ou par le comité du Conseil de l’Europe pour la prévention de la torture, en décembre 2007. Mais très peu a été fait dans la mise en œuvre de ces recommandations.

Vous avez alerté contre la «tendance», en Europe, «à infliger la réclusion à perpétuité à un nombre croissant de condamnés». La France vient d’adopter la loi sur la rétention de sûreté qui suit cette voie…
Plusieurs pays européens se posent actuellement la question des personnes potentiellement dangereuses après leur peine. Je crois qu’il est très important d’avoir une discussion approfondie sur ce sujet. Les punitions devraient être proportionnelles, justes et fixées pour une durée de temps précise. Leur but devrait être de réhabiliter et réinsérer sans risque les délinquants dans la société. Je suis opposé aux sentences à vie sans possibilité de réexamen. L’idée de continuer à enfermer des personnes même après que leur peine a été purgée risque de déstabiliser les principes des droits de l’homme et la certitude du droit. Le but d’avoir de telles normes obligatoires est d’aider à établir des sociétés inspirées par la justice, et non par la vengeance.

Plusieurs organisations dénoncent un durcissement sécuritaire en prison depuis 2002. Etes-vous d’accord avec ce constat ?
Je vois des signes de telles tendances, pas uniquement en France, et j’en suis inquiet. Les prisons doivent devenir des endroits de réadaptation, avec les ressources adéquates pour des programmes de formation, d’éducation et de travail. Ceci donnerait aux prisonniers une vraie chance de réinsertion dans la société. Il est également important de sauvegarder le rôle crucial de ceux qui surveillent ce qui se passe dans les prisons, tels le futur Contrôleur et le Médiateur de la République. Le travail effectué par des représentants du Médiateur dans un nombre croissant de prisons françaises est positif, car il contribue à donner aux prisonniers la conscience qu’ils restent des citoyens même pendant leur détention.

 

La France veut réformer l’ordonnance de 1945 sur la justice des mineurs, pour la rendre plus sévère. Qu’en pensez-vous ?
Les opinions publiques de la plupart des pays européens semblent effrayées par l’impression qu’elles ont d’une augmentation des crimes juvéniles. Les gouvernements tendent à suivre une demande de durcissement des sanctions dans ce domaine. Cette approche est contre-productive si elle est utilisée comme réponse principale ou unique. L’évidence prouve que les mineurs emprisonnés tendent à la récidive. L’arrestation, la détention et l’emprisonnement sont en principe possibles pour des mineurs au-dessus de l’âge minimal de responsabilité pénale, mais devraient être utilisés seulement en dernier recours et pour la période la plus courte possible. Le problème des jeunes délinquants ne sera pas résolu par des peines plus dures. Une politique réussie sur la délinquance juvénile devrait impliquer des mesures facilitant la prévention, la réadaptation et l’intégration sociale des jeunes en difficulté. La France devrait prendre le pilotage dans l’effort pour favoriser une approche plus constructive, en particulier parce qu’elle va assumer la présidence de l’Union européenne en juillet. Ce serait une occasion pour soutenir l’adoption de politiques pénitentiaires européennes communes basées sur des normes internationales acceptées, telle que celles adoptées au sein du Conseil de l’Europe. Pour les mineurs, comme pour les majeurs, le but d’une peine devrait être de faciliter la réinsertion. Il doit y avoir une vie après l’emprisonnement. L’amélioration des conditions de détention contribue beaucoup à donner une orientation positive à cette vie.

 

Propos recueillis par Ondine Millot sur Libération.fr le mercredi 9 avril 2008.

L’Etat jugé coupable de l’état de ses prisons

Lundi 14 avril 2008

Christian Donat était un détenu comme les autres. Incarcéré depuis 2002, il a occupé successivement plusieurs cellules à la maison d’arrêt de Rouen : 10,8 m² pour la plus petite, 12,36 m² pour la plus grande. Faute de place dans la prison, il a toujours partagé cet espace avec deux codétenus (soit 4 m² par personne, quand les textes en prévoient 9 au minimum, et des cellules individuelles). Entassés entre un WC sans cloison ni ventilation, trois lits et un coin cuisine, Christian Donat et ses codétenus ont supporté la promiscuité, le manque d’hygiène et d’intimité. Leur situation, au fond, était courante, voire banale dans les prisons françaises, où l’on compte près de 13 300 détenus en surnombre (1).

Mais Christian Donat a décidé de porter plainte. Contre l’Etat, qu’il accuse de lui avoir fait subir des conditions de détention «dégradantes». Fait «historique» pour tous ceux qui s’intéressent à la prison, le tribunal administratif de Rouen, le 27 mars, lui a donné raison. Et a condamné l’Etat à lui verser 3 000 euros de dommages et intérêts. C’est la première fois que l’Etat français est condamné pour un «préjudice moral» lié aux conditions matérielles de la détention. «Une brèche qui pourrait ouvrir la voie à d’autres décisions, et améliorer considérablement la vie en prison, espère Hugues de Suremain, juriste à l’Observatoire international des prisons (OIP). Les détenus qui sont dans une situation semblable à celle de Christian Donat sont nombreux.»

 

Jurisprudence. Historiquement, le juge administratif s’est toujours illustré par sa très grande réticence à s’immiscer dans l’univers carcéral. «Jusqu’en 1995, les détenus n’avaient aucun accès au juge», explique Béatrice Belda, juriste et auteur d’une thèse sur «Les droits de l’homme des personnes privées de liberté». C’est sous la pression des instances européennes qui, à plusieurs reprises ont rappelé la France à l’ordre, que le juge administratif est timidement sorti de sa réserve. Reconnaissant, pour commencer, en 1995, le droit pour un détenu de contester les sanctions disciplinaires prises par l’administration pénitentiaire.

 

Dans la décision du tribunal administratif de Rouen, à nouveau, l’influence de la jurisprudence européenne est évidente. En 2000, la Cour européenne des droits de l’homme avait en effet rendu un arrêt précisant que les Etats ont «l’obligation» d’assurer des conditions de détention «conformes à la dignité humaine».

 

Soutenues par une poignée d’avocats militants et par l’OIP, les plaintes de détenus ont tendance à devenir plus nombreuses. «Il y a toutefois encore des réticences à saisir le juge, constate Hugues de Suremain, car les délais de jugement sont tels – parfois plus de dix ans avant une confirmation par le Conseil d’Etat – que, souvent, quand la décision tombe, la peine est déjà terminée depuis longtemps.»

 

Mitard. Sur ce problème des délais, là aussi, les choses évoluent. Une décision du tribunal administratif de Melun du 1er avril vient en effet d’annuler en référé le placement au mitard d’un détenu. Ce n’est que la deuxième fois qu’un juge administratif accepte de juger en urgence un problème relatif à la détention.

 

C’est aussi la première fois qu’une décision prend en compte les conséquences physiques et psychologiques de l’incarcération. Cyril K. «a développé à l’intérieur de la prison une pathologie invalidante de l’appareil musculo-squelettique et une pathologie psychiatrique qui peuvent être rattachées à ses conditions particulières d’incarcération», note le tribunal.

 

«Nous sommes chargés d’une mission de justice et, pour nous, c’est une très bonne chose que le juge intervienne en détention», assure Jean-François Beynel, adjoint au directeur de l’administration pénitentiaire. L’Etat a toutefois décidé de faire appel de la décision du tribunal de Rouen.

 

(1) Au 1er mars, sur une population de 62 586, d’après les estimations de Pierre-Victor Tournier, chercheur au CNRS.

Article d’O. M. paru sur Libération.fr le mercredi 9 avril 2008.

Mort en prison à 19 ans

Dimanche 6 avril 2008

Jérémy Martinez avait 19 ans quand il a été retrouvé inanimé dans sa cellule de la maison d’arrêt de Valence (Drôme), mardi 4 mars. Un suicide, a d’abord dit l’administration pénitentiaire quand elle a prévenu la famille. Impossible, ont immédiatement rétorqué la mère et la grand-mère du détenu. Pour elles, il s’agit d’un meurtre – le corps présentait des traces de coups, notamment dans le dos et au niveau du cou. Le jeune homme avait un sac plastique scotché sur la tête. Elles ont porté plainte pour « non-assistance à personne en danger ».

Une information judiciaire pour « homicide volontaire » a également été ouverte par le parquet de Valence, qui dira si le jeune homme a été la victime d’un de ses codétenus et, indirectement, de la surpopulation carcérale, une réalité visible à Valence comme dans de nombreuses autres prisons françaises. Moins d’un mois après le décès de Jérémy Martinez, deux jeunes détenus de cet établissement vétuste ont tenté de mettre fin à leurs jours, tous deux par pendaison, le 31 mars et le 1er avril. Ils ont 27 et 25 ans.

Jérémy Martinez avait commencé sa vie d’adulte en prison, après une enfance ballottée entre deux familles et une adolescence frottée à la petite délinquance du côté de Sorbiers (Loire), où il habitait avec sa mère. Il avait ce qu’on appelle « une bonne tête », un air attachant qui avait séduit la famille d’accueil où il avait été placé, puis le propriétaire d’un restaurant de Cléon-d’Andran (Drôme), où il apprenait le métier de serveur, et aussi quelques jeunes filles.

Sa première fugue, une poignée d’heures à peine, avait eu lieu avant ses 10 ans. D’autres, plus longues, ont suivi : à 15 ans, il retrouvait parfois deux copains dans un squat. Premiers larcins, premières fréquentations des tribunaux pour enfants. Dégradations, falsifications de chèques, vols de téléphones portables, de voitures et autres : « Cinq ou six dossiers », selon Me« Il avait besoin d’être encadré », assure sa grand-mère, Philomène. Marie-Christine Buffard, son avocate. A sa majorité, après un ultime « coup » dans un bureau de tabac, ses sursis sont tombés et il a été condamné à plus d’un an de détention. Quelque temps auparavant, il avait rédigé une lettre à l’attention du juge pour enfants ; il demandait à être suivi après sa majorité.

Il était enfermé depuis trois mois quand il a été retrouvé gisant dans sa cellule. Il avait une blessure à la pommette, une autre au cou et une côte cassée. C’est son codétenu qui avait appelé à l’aide en criant : « Il s’est tué, il s’est tué. » Le garçon avait 19 ans lui aussi, un gabarit imposant, une réputation d’« impulsif » et un casier judiciaire plus lourd : une tentative de meurtre par le feu sur une personne handicapée. « C’était un malade, c’est évident, assure Guillaume Recoin, aumônier de la maison d’arrêt de Valence. Il n’était pas cohérent dans ses propos, incapable de rester assis. Tout le monde savait qu’il y avait un souci avec ce garçon. La semaine avant le drame, j’avais dit au médecin qu’il fallait le mettre à part, le soigner. »

Quand le directeur de la maison d’arrêt de Valence l’a prévenue du drame, la mère de Jérémy a immédiatement rejeté la thèse du suicide. Sa grand-mère aussi. Toutes les deux avaient vu leur fils et petit-fils trois jours plus tôt, lors de leur visite mensuelle. Il y avait aussi Amandine, la jeune soeur du détenu. Uniquement des femmes, donc. Et des femmes qui accusent.

Au parloir, ce samedi 1er mars, Jérémy avait l’air « angoissé », « terrorisé », rapporte Philomène Martinez. Il avait déjà une marque sur le visage, sous l’oeil, des traces de coups sur la main. Il avait aussi du mal à se tenir droit et à bouger le bras droit. Il a montré des plaies sous son tee-shirt à sa soeur. Ce jour-là, les trois visiteuses n’ont pas reconnu celui qui, aux premières semaines de sa détention, semblait faire preuve d’une certaine force de caractère : « Je l’ai bien mérité » ; « Je vais prendre du plomb dans la tête », écrivait-il à ses grands-parents, dans ses lettres pleines de fautes d’orthographe et de « Je vous aime papy et mamie ».

Quand les trois visiteuses ont voulu alerter les surveillants, réclamé la visite d’un médecin, on ne les a pas écoutées, disent-elles. « Lorsque le garde est venu le chercher, nous lui avons dit qu’il fallait un médecin pour Jérémy, relate Philomène Martinez dans une lettre ouverte. Nous lui avons fait remarquer son bras, qu’il ne pouvait plus bouger, et on lui a dit aussi les marques que nous avions remarquées sur sa figure et au dos. Je lui ai dit qu’il ne fallait pas le remettre comme ça dans sa cellule. Le gardien ne m’a pas répondu. Il s’est adressé à mon petit-fils tout doucement, je n’ai pas pu comprendre ce qu’il disait. »

Selon Mme Martinez, une autre surveillante aurait ensuite expliqué qu’il fallait faire un petit mot écrit si le jeune détenu voulait voir un médecin et que l’infirmerie n’était pas ouverte à ce moment-là. Le dispositif médical est réduit le week-end.

Article d’Eric Collier paru sur LeMonde.fr le samedi 5 avril 2008.

Le bien commun

Dimanche 6 avril 2008

Mercredi 2 avril, l’émission Le bien commun d’Antoine Garapon sur France Culture était consacrée à la loi sur la rétention de sûreté, avec Henri Leclerc (avocat et président de la Ligue des droits de l’homme) et Paul Cassia (professeur de droit public à Paris-1 et membre de l’Institut).

 
 
   

Prison, la honte de la République

Dimanche 6 avril 2008

 

 

 

Le Génépi-Lyon organise un ciné-débat, Mardi 8 avril à 20h30, au café De l’Autre Coté du Pont (25, Cours Gambetta, Lyon 3°):

 

 

 

Prison, la honte de la République
projection du
documentaire de Bernard George

suivie d’une discussion avec nos invités:

Bernard Bolzecampagne Trop c’est trop

Jean-Claude VaupréCFDT interco justice

« Prisons : la honte de la République (France, 2006, 80 min.), le film engagé de Bernard George, n’est pas une enquête à charge et à décharge où sont exposés les arguments des uns et des autres, où sont développés posément des propos contradictoires alimentant un débat. Il s’agit ici de pointer sans concession ni pathos les dysfonctionnements du système pénitentiaire, de dénoncer la surpopulation (le taux peut atteindre 250%), le manque d’hygiène et de soins, la vétusté, la violence, les suicides, la dignité bafouée… Grâce aux témoignages d’anciens détenus et de familles de prisonniers, aux reconstitutions et aux images d’archives (l’administration pénitentiaire n’a pas voulu qu’il tourne à l’intérieur des murs d’enceinte), aux questions posées aux trois anciens gardes des Sceaux, la démonstration est implacable. Ce documentaire [...] espère alerter l’opinion publique, déclencher une prise de conscience pour que les pouvoirs publics sortent de leur immobilisme et engagent de véritables réformes. »

D’après la critique de Véronique Brocard sur Télérama.fr.

http://www.dailymotion.com/video/x4e4t8

http://www.dailymotion.com/video/x4e4xg

http://www.dailymotion.com/video/x4e51c

 

 

RMC à Villefranche

Dimanche 6 avril 2008

Vendredi 28 mars de 7 à 11 heure, l’émission Bourdin and co était en direct de la Maison d’Arrêt de Villefranche sur Saône, choisie par l’Administration Pénitentiaire à l’occasion notamment de la mise en place du quartier des nouveaux arrivants en conformité avec l’applicartion des Règles Pénitentiaires Européennes. Evènement exceptionnel: pour la première fois une émission se déroule en direct d’un établissement pénitentiaire et diffuse des entretiens avec des acteurs du monde carcéral. Donc la possibilité d’entendre différents discours au sujet de la prison et de l’intérieur la prison, potentiellement…

Programme: « Nous partirons à la découverte de l’univers carcérale. Repas, parloirs, travail, infirmerie, promenade… quel est le quotidien des 687 détenus de cette maison d’arrêt ? Mais aussi celui des surveillants et surveillantes, des conseillers d’insertion, des infirmiers, d’un aumônier et du directeur de la maison d’arrêt de Villefranche-sur-Saône ? Claude d’Harcourt, le directeur de l’administration pénitentiaire sera également aux côtés de Jean-Jacques Bourdin et en direct sur BFMTV à 8h35« .

A écouter donc, une interview de Claude d’Harcourt (Directeur de l’Adimnistration pénitentiaire).

A lire également, les commentaires des auditeurs avant l’émission et en direct sur le site. Et ne pas rater le sondage des auditeurs pendant l’émission:  « Faut-il prononcer plus de peines de prison? »

Rétention de sûreté, une peine infinie

Samedi 5 avril 2008

Rétention de sûreté, Une peine infinie

Un film de Thomas Lacoste pour l’Autre campagne et le Syndicat de la Magistrature en quatre chapitres, avec Jean Bérard, historien, Université de Paris VIII, membre de l’Observatoire international des prisons (OIP) ; Jean-Pierre Boucher, juge de l’application des peines au Tribunal de Grande Instance de La Rochelle et ancien président du Syndicat de la magistrature ; Christian Charrière-Bournazel, avocat et bâtonnier de Paris ; Sophie Desbruyères, conseillère d’insertion et de probation (CIP), secrétaire nationale du syndicat national de l’ensemble des personnels de l’administration pénitentiaires (Snepap-FSU) ; Claude-Olivier Doron, philosophe, AMN Paris VII (REHSEIS) et secrétaire éditorial des Cahiers du Centre Canguilhem ; Véronique Mao, surveillante pénitentiaire, secrétaire nationale de l’Union générale des surveillants pénitentiaires (UGSP-CGT) ; Emmanuelle Perreux, juge de l’application des peines au Tribunal de Grande Instance de Périgueux et présidente du Syndicat de la magistrature et Daniel Zagury, psychiatre, chef de service au Centre psychiatrique du Bois-de-Bondy, expert auprès de la Cour d’appel de Paris :

Chapitre 1: http://www.dailymotion.com/video/x4sh72

Chapitre 2: http://www.dailymotion.com/video/x4sha6

Chapitre 3: http://www.dailymotion.com/video/x4shgj

Chapitre 4: http://www.dailymotion.com/video/x4shgj

Le site de l’Autre campagne.

L’Etat condamné à verser 3 000 euros à un détenu pour « préjudice moral »

Mercredi 2 avril 2008

Le tribunal administratif de Rouen a condamné l’Etat à verser 3 000 euros à un détenu pour « préjudice moral », en raison de ses conditions de détention, qui constituent « un manquement aux règles d’hygiène et de salubrité » et n’assurent pas « le respect de la dignité humaine ».

Christian Donat a été incarcéré de 2002 à 2007, dans sept cellules différentes, de 10,80 à 12,36 m2, avec deux codétenus, à la maison d’arrêt de Rouen, avant d’être transféré dans un centre de détention. Le tribunal relève que ces cellules « ne comportaient pas de ventilation spécifique du cabinet d’aisances ni de cloisonnement véritable avec la pièce centrale » et que « ces cabinets d’aisances sont, au surplus, non munis d’occlusion de la cuvette et situés à proximité immédiate du lieu de prise de repas ». if (provenance_elt !=-1) {OAS_AD(‘x40′)} else {OAS_AD(‘Middle’)}

Dans son jugement, prononcé le 27 mars, le tribunal estime que, « eu égard à la durée particulièrement longue de l’encellulement dans de telles conditions, à la taille des cellules, à la promiscuité et l’absence de respect de l’intimité du requérant qui en est résulté, M. Donat est fondé à soutenir qu’il a été incarcéré dans des conditions n’assurant pas le respect de la dignité inhérente à la personne humaine ».

Le tribunal n’a pas suivi l’avocat du détenu, Me Etienne Noël, qui lui demandait d’enjoindre l’administration pénitentiaire à effectuer des travaux de mise en conformité des cellules. L’administration pénitentiaire a annoncé son intention de faire appel du jugement.

Ce jugement, qui dépeint la réalité de nombreuses prisons, intervient alors que la loi pénitentiaire promise par le gouvernement a pris du retard. Ce texte doit prévoir que « l’administration pénitentiaire garantit à tout détenu le respect des droits fondamentaux inhérents à la personne ».

Aucun des articles de l’avant-projet de loi qui ont été rendus publics n’est consacré à la surpopulation. Pour Bernard Bolze, l’animateur du collectif « Trop c’est trop », qui veut que chaque place de prison soit réservée à un seul détenu, la décision du tribunal de Rouen est « une avancée éminemment favorable à la résolution de l’un des maux majeurs des prisons françaises : leur état de surpopulation ».

Selon le chercheur du CNRS Pierre Tournier, le nombre de détenus en surnombre dans les prisons françaises était de 13 281 au 1er mars, sur une population carcérale de 62 586 détenus.

Article d’Alain Salles paru sur LeMonde.fr le mardi 1er avril 2008.

Fous à délier

Mercredi 2 avril 2008

Christiane de Beaurepaire. Cette psychiatre à la prison de Fresnes se dresse contre les internements de malades mentaux, qui atteindraient 25 % de la population pénale.

Christiane de Beaurepaire, psychiatre, a passé les quinze dernières années de sa vie professionnelle à Fresnes. «Une longue peine», plaisante-t-elle. A laquelle elle échappe tous les soirs, certes. Elle dit : «Si l’on veut régler le problème de la surpopulation dans les prisons, c’est très simple : il faut les vider de toutes les personnes qui n’ont rien à y faire. Malades mentaux, sans-papiers, sans-domicile, vieillards déments, jeunes en errance, toxicomanes… et remplacer la prison par des structures appropriées.» Elle précise : «Je vous rappelle que le code pénal proscrit l’hébergement des malades mentaux des établissements pénitentiaires. Avec plus de 25 % de détenus qui souffrent de troubles avérés – schizophrénie, paranoïa, psychose, dépression grave -, nous prenons quelques libertés avec la loi.» En effet, si son discernement n’est qu’«altéré», le schizophrène assassin atterrit en milieu carcéral «avec une sanction pénale d’autant plus lourde qu’il est malade et qu’on juge non pas le bonhomme, mais sa dangerosité». Et si sa capacité de discernement est abolie ? «On se heurte alors à la pénurie des services psychiatriques.» Le docteur de Beaurepaire est célèbre pour son «discernementomètre». Depuis des années, elle questionne les experts judiciaires en charge d’évaluer l’intégrité du discernement, et donc d’envoyer ou non les fous en prison : «Tu me le montres, ton discernementomètre ? A quoi ressemble-t-il ?» Elle remarque avec une pointe d’ironie : «Comme c’est curieux ! Aujourd’hui, on peut voyager dans le temps. La prison tient lieu de l’asile décrit par Michel Foucault. On pratique le grand enfermement tel qu’il l’était à la Salpêtrière au XVIIe siècle.»

 

Elle est en fin de carrière et n’a plus rien à perdre. Elle revendique sa part de naïveté qui a agi «comme une protection». Elle est arrivée à Fresnes sans vocation carcérale préalable, parce que les postes de chef de service hospitalier étaient rares et qu’il fallait bien gagner sa vie. Elle se définit comme «opiniâtre abandonnique», c’est-à-dire une femme aussi têtue que capable de lâcher prise quand tout va pour le mieux. Si elle était un personnage de conte, ce serait la petite sirène «qui agit sans jamais en tirer de bénéfice et qui paie très cher de sa personne».«On n’avait aucune appartenance à quoi que ce soit, et pourtant, m’a traversé l’esprit, jeune fille, d’aller faire mon service en Israël.» Son père, médecin, jouait du piano, sa mère chantait, c’est ainsi qu’ils se sont rencontrés. Lycéenne, elle est un «brillant élément» qui risque le renvoi pour ses frasques. Un exemple : l’exploration d’un souterrain interdit qui mène au lycée de garçons. «J’ai toujours été attirée par les transgressions.» Jeune médecin, elle n’imaginait pas travailler ailleurs qu’en psychiatrie infantile. C’était dans les années 70, elle avait créé une structure, dans le Loiret, «une maison où l’on recevait et intégrait à l’école toutes sortes d’enfants, y compris autistiques. J’y ai été heureuse. Et par amour, j’ai fait l’une des grosses bêtises de ma vie, j’ai quitté l’affaire.»«Rien de mieux que la Normandie pour éprouver l’ennui.» Mais même au cœur de la grisaille, elle trouve le moyen d’expérimenter. La SNCF lui demande une étude sur ce qui pousse les ouvriers d’entretien à se jeter sur les voies la nuit. Sont-ils suicidaires ? L’objectif de la direction du personnel est de diminuer les risques, notamment à l’embauche. A toute heure de l’aube, elle parcourt les voies pour interviewer des cheminots. Conclusion de l’étude : «L’excès de conscience professionnelle est en cause. Ces agents sont si concentrés qu’ils n’entendent pas la corne. Le train passe, ils y restent.» A la suite de l’étude, la SNCF change son système d’avertissement du passage des trains. Sa curiosité ressemble à une boule à facettes. A la manière de Raymond Queneau qui écrit le même texte en variant les registres, elle rédige trois fois son étude sur la prise de risque des cheminots, en changeant d’habit. La première version, phénoménologique, est à usage de la SNCF. La seconde est un mémoire de psychopathologie de la vie quotidienne. Et le troisième, un autre mémoire universitaire par le biais de la philosophie de l’action. De même dans sa pratique de psychiatre : «Pas d’intégrisme. Psychanalyse, génétique et pharmacopée ne s’opposent pas. J’ai une mallette avec différents outils, qui ne servent pas au même moment et n’ont pas la même fonction.» Elle vient d’un milieu juif athée sans le sou. Christiane de Beaurepaire a l’esprit d’aventure. La voilà donc qui se morfond à Caen aux côtés de la personne qu’elle aime.

 

Christiane de Beaurepaire se souvient de ses débuts à Fresnes et de sa sensation contradictoire d’avoir enfin trouvé sa place. «J’étais saisie par cette architecture XIXe siècle et la diversité des rencontres et des pathologies. Cette impression d’être une infirmière dans la brousse. Ça avait son charme. A l’hôpital général de Fresnes, il y avait encore des nouveau-nés avec leur mère. Mais aussi beaucoup de malades du sida. Ils mouraient, faute de soins. Des cafards dégoulinaient des murs et des religieuses veillaient.» Au bout de quinze jours, elle craque : trop d’horreurs, aucun moyen. Pour ne pas démissionner, elle se passionne. Elle crée l’unité de psychiatrie de liaison à Fresnes, puis, il y a cinq ans, une consultation externe pour les patients libérés. Avec, entre autres, des rendez-vous pour les auteurs de violence sexuelle qui ont purgé leur peine et demeurent sous obligation de soins. Christiane de Beaurepaire est sans illusion : «Mes patients pédophiles potentiellement dangereux seront évidemment « datisés », mis en rétention de sûreté.» Elle ajoute : «Soigner un humain, ce n’est pas comme installer une nouvelle chaudière, le risque zéro n’existe pas. Mais plus on suit un malade sur une longue durée, plus on sait repérer quand il est inquiétant et prendre les mesures nécessaires pour éviter un drame.» Que propose-t-elle ? Qu’on regarde vers le Canada où existent des centres spécialisés dans le cadre d’une convention entre la justice et la santé. «Dans cette organisation, les soins sont prioritaires, ont lieu hors détention, et débutent dès le jugement, en milieu fermé.» C’est parce qu’elle a développé la structure psychiatrique de Fresnes que Christiane de Beaurepaire est légitime pour affirmer que les soins psychiatriques ne devraient pas avoir lieu en milieu carcéral. «Bien sûr, la détention déclenche souvent des troubles mentaux, et un service psychiatrique, aussi insuffisant soit-il, est nécessaire. Pour autant, il est inhumain d’envoyer des malades mentaux en prison. Comment peut-on imaginer qu’une personne qui souffre de dépersonnalisation survive à la violence pénitentiaire, qui rend encore plus malade si c’est possible ? »

 

Christiane de Beaurepaire assène peut-être des évidences, mais elles ne sont pas dans l’air du temps. A propos de la loi sur la récidive, promulguée par Rachida Dati : «Toutes les études montrent que plus on va en prison, plus on y revient. La seule manière de lutter contre la récidive est non pas la réinsertion – car les détenus sont rarement préalablement insérés -, mais l’insertion.» Elle s’interroge : «Est-ce qu’un pays qui déresponsabilise la délinquance financière mais qui met en prison les enfants et les malades mentaux est encore une démocratie ?»

Portrait d’Anne Diaktine paru sur Libération.fr le mardi 2 avril 2008.

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