Samedi, la chancellerie se félicitait de sa loi de 2007 sur les peines planchers.
Si les soupçons contre Bruno C. sont avérés [dans l'affaire du meurtre de l'étudiante suédoise], la polémique sur le traitement pénal des criminels récidivistes va s’enrichir d’un nouvel épisode. Cela n’a pas échappé à la chancellerie qui, dès samedi, a pris l’initiative de publier un communiqué pour se féliciter de la «priorité» mise «depuis un an» par le gouvernement sur la lutte contre la récidive. Les services de Rachida Dati, la garde des Sceaux, ont aussi rappelé que «ce type de crime [sexuel] est souvent le fait de récidivistes et de criminels dangereux», avant de souligner que la loi antirécidive du 10 août 2007, instaurant des peines planchers pour les récidivistes, avait été appliquée «7 843 fois». La chancellerie a aussi mis en avant la loi du 28 février dernier relative à la rétention de sûreté qui instaure pour les criminels les plus dangereux une mesure de rétention à l’issue de leur peine.
Des syndicalistes n’ont pas tardé à réagir, dont Serge Portelli, membre du Syndicat de la magistrature et spécialiste de la récidive, qui a jugé «choquant pour ne pas dire indécent que le ministère de la Justice profite d’un crime odieux pour faire de la publicité sur des lois qui sont plus que problématiques car extrêmement discutables au niveau des droits de l’homme et des principes généraux du droit». Concernant la loi sur les peines planchers, Serge Portelli estime qu’elle vise, dans la grande majorité des cas, des petits délinquants, et que concernant les criminels dangereux cette loi prévoit «des peines qui sont très largement inférieures à celles qui sont appliquées d’habitude par les cours d’assises dès qu’elles ont à juger un récidiviste».
Le parcours de Bruno C. est un cas d’école en matière de délinquant sexuel multirécidiviste. A 51 ans, il a passé une vingtaine d’années derrière les barreaux. Si sa première condamnation, alors qu’il avait 15 ans, concerne un vol à main armée, les peines les plus lourdes ont été prononcées pour des crimes sexuels. En 1979, il est condamné à six ans de réclusion pour le rapt et le viol d’une femme de 22 ans. Début 1983, alors qu’il est sorti de prison depuis moins de deux ans, il enlève et viole une auto-stoppeuse de 21 ans, puis une fillette de 12 ans. Pour ces deux viols Bruno C. écope de dix-huit de prison, dont il ressort en 1999. Pourtant, et c’est l’une des zones d’ombre de l’enquête, l’empreinte génétique de Bruno C. n’apparaît pas dans le fichier national des empreintes génétiques (Fnaeg). A la lumière des débats actuels, on peut imaginer que si la loi sur la rétention de sûreté avait existé en 1999, Bruno C. aurait peut-être été concerné. A 42 ans, il aurait alors été enfermé en raison de sa potentielle dangerosité. Impensable, dénoncent les détracteurs de cette loi, qui estiment qu’il faut surtout soigner ce type de délinquant en prison. Libre, il a pu récidiver, répliquent les défenseurs de ce texte.
Article paru sur Libération.fr lundi 28 avril 2008.
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