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Archive pour 17 avril 2008

LETTRE OUVERTE : Désignation du Contrôleur général des lieux de privation de liberté

Jeudi 17 avril 2008

LETTRE OUVERTE

Désignation du Contrôleur général des lieux de privation de liberté

Paris, le 16 avril 2008


Monsieur le Président de la République
Palais de l’Elysée
55, rue du faubourg Saint-Honoré
75008 Paris

Monsieur le Président de la République,

Plus de cinq mois après l’institution d’un Contrôleur général des lieux de privation de liberté par la loi du 30 octobre 2007 et un mois après son décret d’application en date du 12 mars dernier, nos organisations s’étonnent qu’aucune personnalité n’ait été nommée à ce jour.

Nous sommes particulièrement inquiets du retard pris dans la mise en place de ce mécanisme national de prévention de la torture et des mauvais traitements et du contrôle du respect des droits fondamentaux des personnes privées de liberté.

Pour mener à bien le processus de nomination, la lettre et l’esprit du Protocole facultatif à la Convention contre la torture et autres peines ou traitements inhumains ou dégradants dont la ratification a été annoncée, doivent être respectés. La désignation du futur Contrôleur doit se faire conformément aux Principes de Paris. (1)

En vertu de ces Principes, la procédure de nomination doit présenter toutes les garanties nécessaires pour « assurer la représentation pluraliste des forces sociales (de la société civile) concernées par la protection et la protection des droits de l’homme. » (2)

Il apparaît dès lors nécessaire que la Commission nationale consultative des droits de l’homme, instance issue des Principes de Paris, soit consultée sur le choix de la personnalité hautement compétente et indépendante appelée à exercer les fonctions de Contrôleur.

L’examen périodique universel auquel la France sera soumise les 14 mai et 18 juin prochains devant le Conseil des droits de l’homme des Nations unies serait l’occasion pour la France d’annoncer la personnalité idoine choisie dans le respect des Principes de Paris ou, à tout le moins, l’imminence de sa nomination.

Ainsi, la France soucieuse d’être exemplaire lors de l’examen périodique universel montrerait ainsi l’effectivité de son attachement aux droits de l’homme dans les lieux privatifs de liberté.

Nous demandons la nomination rapide et transparente du Contrôleur général des lieux de privation de liberté.

 

Nous vous prions de croire, Monsieur le Président de la République, en l’assurance de notre plus haute considération.


Organisations signataires
ACAT-France
Amnesty International section française
ANVP (Association nationale des visiteurs de prison)
Aumônerie Catholique des prisons
Aumônerie Protestante des prisons
Ban Public
CIMADE
FARAPEJ (Fédération des associations, réflexion, action prison et Justice)
GENEPI (Groupement Etudiant National d’Enseignement aux Personnes Incarcérées)
Ligue des droits de l’Homme
OIP (Observatoire International des Prisons)
Secours Catholique
SNEPAP-FSU
Syndicat de la magistrature
UGSP-CGT (Union générale des syndicats pénitentiaires CGT)

Copie à :
Premier Ministre
Hôtel de Matignon
57, rue de Varenne
75700 Paris

Ministre de la Justice
13 place Vendôme
75042 PARIS cedex 01

Ministre des Affaires Etrangères
37, Quai d’Orsay
75351 Paris

Ministre de la Santé
95, avenue de France
75650 Paris Cedex 13

Ministre de l’Intérieur
Place Beauvau
75008 Paris

Ministre de la Défense
231 bd St Germain
75007 Paris

(1). Résolution 48/134 de l’Assemblée générale des Nations Unies du 20.12.93, Annexe Principes concernant le statut des institutions nationales pour la promotion et la protection des droits de l’homme.
(2). Résolution 48/134 Annexe, Composition et garanties d’indépendance et de pluralisme.

Un coup de jeune dans les prisons

Jeudi 17 avril 2008

Dénonçant une hausse de la délinquance des moins de 18 ans, Rachida Dati veut durcir les sanctions.

Cela commence par un film, au ton alarmiste. «A l’aube du XXIe siècle, la délinquance se durcit. En moins de dix ans, les condamnations pour violences des mineurs ont cru de 150 %», martèle le commentaire. Mardi, à la chancellerie, Rachida Dati projetait à ses invités un documentaire, condensé d’alarme sécuritaire. Il s’agissait d’instaurer un groupe de travail chargé de «réfléchir» à une réforme de l’ordonnance de 1945 sur la justice des mineurs. Et de faire des propositions le 1er novembre. Mais le discours de la ministre de la Justice, suivi par celui du président du groupe de travail, le juriste André Varinard, à la tonalité fort proche, montre que les projets du gouvernement en ce domaine ont déjà été bien «réfléchis».

En prison avant 13 ans?

 

L’ordonnance de 1945 pose le principe d’une justice des mineurs différente de celle des majeurs, où l’éducatif doit toujours primer sur le répressif. Elle pose un âge minimum, 13 ans, en dessous duquel un jeune ne peut pas faire l’objet d’une sanction pénale. Il peut être rappelé à l’ordre, puni, mais par des mesures éducatives. Par exemple, il peut être suivi par un éducateur et être tenu de respecter un certain nombre d’engagements. Mais il n’effectue pas de peine.

 

Dans son discours, Rachida Dati a alerté sur la «forte progression de la délinquance des moins de 13 ans». Elle a jugé «pas exempte de critiques» l’impossibilité de «condamner à une peine»«trouver une méthodologie plus efficace» pour ramener les plus jeunes dans le droit chemin. A plusieurs reprises, l’idée d’appliquer des sanctions pénales, donc possiblement des peines de prison, aux moins de 13 ans a été évoquée. ces enfants. André Varinard a renchéri: il faut

 

Un «âge minimum» de responsabilité

 

L’ordonnance de 1945 ne prévoit pas «d’âge minimum» de responsabilité pénale. Cela veut dire que si un seuil (13 ans) existe pour pouvoir être condamné à une peine, il n’y a pas, en revanche, d’âge minimum pour être sanctionné d’une mesure éducative. Le juge pour enfants est chargé, au cas par cas, d’évaluer le «discernement» de l’enfant. Et lui infliger une sanction éducative, quel que soit son âge. Dati voudrait l’instauration d’un âge minimum. C’est ce que réclame la convention internationale des droits de l’enfant (Cide), qui engage la France depuis 1990. Ce «seuil», en dessous duquel aucune condamnation de quelque sorte que ce soit n’est possible, existe dans la plupart des pays européens. Mais les écarts sont énormes: 7 ans en Grèce, 10 en Grande-Bretagne, 12 en Suède, au Pays-Bas et en Italie, 14 ans en Allemagne. Le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies recommande que ce seuil minimal soit fixé à 12 ans. Que décidera la France? Vu la détermination du gouvernement à vouloir sanctionner pénalement les moins de 13 ans, on peut légitimement s’inquiéter. Dans un rare communiqué, l’Unicef France a appelé les membres du groupe de travail «à considérer que l’âge de 12 ans est l’extrême minimum».

 

Juger les mineurs comme des majeurs?

 

«Il ne semble plus possible de continuer à parler d’enfants et de juge pour enfants alors que cette délinquance concerne de grands adolescents dont les délits sont bien proches de ceux commis par les adultes», a déclaré André Varinard dans son discours. Une phrase qui fait écho aux propos de Nicolas Sarkozy. «Un garçon de 17 ans mesurant 1,90 m qui frappe à terre avec une violence inouïe un photographe ou une petite jeune fille, l’amener devant le tribunal pour enfants, il n’a plus rien d’un enfant, c’est parfaitement ridicule», affirmait-il en avril 2006. Derrière ces déclarations, deux projets. Le premier consiste à s’attaquer à la «tranche», comme dit Rachida Dati, des mineurs de 16 à 18 ans, que le gouvernement veut juger comme des adultes. André Varinard a exprimé le souhait que, «au delà de 16 ans, les mineurs puissent relever de juridictions toujours spécialisées, mais plus proches du droit commun». La brèche a été ouverte par la loi sur la récidive du 10 août 2007, qui permet de supprimer «l’excuse de minorité» lorsque le mineur est récidiviste. Et donc de prononcer des condamnations semblables à celles des majeurs. Rachida Dati a souligné mardi son intention de renforcer cette logique de gradation en fonction de la récidive «par paliers». «Aucun parcours de mineurs n’est automatique, rectiligne, avec des infractions de plus en plus graves, s’inquiète Laurence Bellon, vice-présidente du tribunal pour enfants de Lille. La notion de récidive suppose une maturité, une volonté. On ne peut pas l’appliquer aux mineurs comme aux majeurs. Il faut une souplesse pédagogique.»

 

Supprimer le juge pour enfants?

 

Le deuxième projet concerne la définition du juge pour enfants. Celui-ci a en effet, pour l’instant, une double casquette. Il ne se borne pas à sanctionner le jeune, il est aussi chargé de la protection de l’enfance, donc du suivi des mesures éducatives. Considérant qu’un enfant délinquant est aussi un enfant en danger, l’ordonnance de 1945 a voulu lier les deux fonctions. «A la chancellerie, ils ont déjà calculé qu’on économiserait 240 magistrats si le contentieux de l’assistance éducative était retiré au juge des enfants pour être confié aux conseils généraux», s’inquiète le secrétaire général de l’Union syndicale des magistrats (USM). «Le fait de s’occuper d’assistance éducative ne nuit pas à mon efficacité, au contraire, s’alarme Laurence Bellon. C’est assez semblable au rôle d’un professeur, qui à la fois punit, met zéro si on n’a pas travaillé, et qui explique, qui a une mission d’apprentissage. Le juge pour enfants, c’est celui qui apprend la loi pénale, pas qui l’applique automatiquement. Si on supprime la pédagogie, la sanction n’a plus aucune chance d’être efficace.»

 

Article d’Ondine Millot paru sur Libération.fr le jeudi 17 avril 2008.

Lire aussi le dossier: Délinquance, justice et statistiques.

Un indéniable problème de surpopulation

Jeudi 17 avril 2008

« Le décès, le 4 mars, de Jérémy Martinez, détenu à la maison d‘arrêt de Valence (Drôme) est sûrement une conséquence de la surpopulation carcérale » (Le Monde du 6-7 avril 2008). Sa mère qui l’avait vu au parloir le 1er mars a immédiatement rejeté la thèse du suicide. Une information judiciaire pour homicide volontaire a été ouverte. Détenu depuis trois mois, pour de multiples vols, Jérémy Martinez partageait sa cellule avec un autre détenu de 19 ans, au casier judiciaire plus lourd (tentative de meurtre par le feu sur une personne handicapée). « Son co-détenu était un malade, c’est évident. Il n’était pas cohérent dans ses propos, incapable de rester assis » a déclaré, au Monde Guillaume Recoin, aumônier à la maison d’arrêt.

 

Au 1er mars 2008, il y avait 77 détenus en surnombre à la maison d’arrêt de Valence (187 détenus pour 110 places opérationnelles, densité de 170 détenus pour 100 places).

 

Avec une densité globale de 152 détenus pour 100 places en maison d’arrêt, la direction interrégionale de Lyon est la plus touchée, en métropole, par la surpopulation carcérale. En dehors de la maison d’arrêt d’Aurillac (36 détenus pour 37 places) toutes les maisons d’arrêt sont surpeuplées. On compte, ainsi 1 465 détenus en surnombre (4 161 détenus pour 2 696 places opérationnelles).

 

La densité est de 229 détenus pour 100 places à Chambéry, 224 à Lyon-Perrache, 223 à Lyon Montluc, 222 à Bonneville, 214 au Puy, 171 à Montluçon, 161 à Grenoble Varces, 151 à Saint-Quentin Fallavier…

Source des données : statistique mensuelle de la DAP, PMJ. Extrait d’ACP n°85-86 du 14 avril 2008, de Pierre-Victore Tournier.